RSA Revenu de Solidarité Active, charges financières des départements, Conseil d'État, 21 février 2018, décret règlementaire, premier ministre, recours gracieux, rejet implicite, REP Recours pour Excès de Pouvoir, CJA Code de Justice Administrative, vice de procédure, vice de forme, Code du Travail, moyens internes, collectivités territoriales, CGCT Code Général des Collectivités Territoriales, autonomie financière, transfert de ressources, Constitution, compensation financière
En l'espèce, par un décret réglementaire n° 2016-1276 du 29 septembre 2016 pris dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, le Premier ministre a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 262-3 du Code de l'action sociale et des familles, revalorisé, de façon exceptionnelle, le montant forfaitaire mensuel du RSA en le fixant à la somme de 535,17 euros pour un allocataire, au lieu de 524,68 euros précédemment.
Les départements normands du Calvados (14), de la Manche (50), de l'Eure (27) et de l'Orne (61), estimant que la revalorisation opérée allait détériorer leurs situations financières respectives, ont demandé au Premier ministre de retirer ce décret par un recours gracieux. Le silence gardé par le Premier ministre pendant deux mois sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet (art. L. 231-4 du Code des relations entre le public et l'administration) qui, liant le contentieux, a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir exercé le 27 mars 2017 devant le Conseil d'État, compétent en premier et dernier ressort pour connaître des décrets réglementaires (art. R. 311-1 du Code de justice administrative, ci-après CJA). Les quatre départements demandent au Conseil d'État, outre l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur recours gracieux dirigé contre le décret du 29 septembre 2016 ainsi que de ce même décret, que soit mise à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du CJA.
[...] Appliquant cette grille d'analyse à l'espèce, la haute juridiction administrative en déduit que le décret « modifie ainsi des règles relatives à l'exercice de compétences transférées, au sens des dispositions du second alinéa de l'article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient la compensation des charges nouvelles en résultant » (point 10). Le Conseil d'État reconnaît donc que les charges nouvelles résultant de la revalorisation du montant forfaitaire du RSA, parce qu'elles sont le fait de la modification par l'État de règles obligatoires propres à l'exercice de la compétence transférée du versement de l'allocation, doivent être compensées, selon les dispositions de l'article L. [...]
[...] Alors même que les départements faisaient valoir que le décret litigieux, qui augmente de le montant du RSA, s'inscrivait dans le contexte du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, qui a donné lieu à de multiples revalorisations exceptionnelles depuis 2013, la haute juridiction administrative, pour ne pas annuler le décret, a préféré apprécier de manière distanciée le respect du principe de libre administration dans la gestion des ressources des départements requérants. L'on peut sans doute concevoir que l'augmentation contestée de du montant du RSA, qui, aux yeux du rapporteur public, « relève plus du « coup de pouce » que d'une novation de la prestation », n'est pas en elle-même et à elle seule de nature à méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales. [...]
[...] Il n'est pas surprenant que le Conseil d'État n'assimile pas la revalorisation à un transfert ou à une création de compétence. D'une part, le législateur avait en effet antérieurement transféré la compétence de versement du RSA aux départements par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d'insertion qui a transformé le revenu minimum d'insertion en RSA. Comme le relève explicitement le Conseil d'État dans la décision commentée, c'est ce qui avait d'ailleurs été jugé par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 30 juin 2011 QPC juin 2011, Département de la Seine-Saint-Denis et autres) : le Conseil avait alors jugé que la création du RSA relevait d'un transfert de compétence « en tant qu'il remplaçait le revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé » et d'une création de compétence « en tant qu'il remplaçait le revenu minimum d'activité ». [...]
[...] En ce sens, même si la revalorisation du montant du RSA est assimilée à une modification par l'État des règles relatives à l'exercice d'une compétence transférée au sens du CGCT le juge opère une sévère dissociation entre cette revalorisation et l'intervention de la compensation des charges nouvelles en résultant La revalorisation du montant forfaitaire du RSA assimilée à une modification par l'État des règles relatives à l'exercice d'une compétence transférée au sens du CGCT : une évidence dans un cadre flou Le dernier moyen de légalité interne dirigé contre le décret mobilisait le second alinéa de l'article L. 1614-2 du CGCT. Le Conseil d'État y a répondu en deux temps, en reconnaissant d'abord, pour la première fois, que la revalorisation litigieuse du montant forfaitaire du RSA entrait dans le champ d'application des dispositions de cet article. [...]
[...] Ce dernier veille en effet à ce que les ressources des collectivités ne soient pas affectées dans des conditions dénaturant leur libre administration DC janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale ; CC, QPC septembre 2010, Commune de Besançon et Commune de Marmande, préc.). Mais, le Conseil d'État semblait lui-même effectuer avant ces décisions un contrôle de « l'absence de bouleversement » de l'exécution des budgets locaux (CE mai 1996, Commune de Villeurbanne). Faisant la synthèse de l'évolution de la jurisprudence en la matière, Sophie Roussel et Charline Nicolas, maîtres des requêtes au Conseil d'État, soulignent à juste titre que le contrôle de la libre administration par le Conseil constitutionnel n'a pas vraiment changé avec l'intervention de la révision constitutionnelle de 2003 (voir en ce sens CC, DC juillet 1990, Loi relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux), ce qui, selon elles, est « révélateur de la portée juridique limitée » de cette réforme s'agissant du principe en cause. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture