En l'espèce, M. A avait été opéré pour un glaucome post-traumatique dans un établissement de santé privé, puis il s'est rendu quelques semaines plus tard aux urgences du Centre hospitalier de Vienne en raison de l'aggravation de l'état de l'œil opéré. L'ophtalmologiste lui a prescrit un traitement et lui a conseillé de revoir son médecin traitant. M. A a souffert de violentes douleurs pendant la nuit et est retourné aux urgences. Son médecin traitant lui a conseillé une nouvelle hospitalisation, et M. A a suivi ce conseil quelques heures plus tard, mais il a finalement complètement perdu la vision de son œil infecté.
Le diagnostic de M. A a été posé trop tard, selon les rapports d'expertises, et M. A a assigné le Centre hospitalier de Vienne en responsabilité administrative devant le Tribunal administratif de Grenoble, qui a suivi l'avis de l'expert selon lequel il existait un retard fautif de diagnostic. Le Tribunal a alloué à M. A 15 000 € pour la réparation partielle de son préjudice, et M. A a interjeté un appel contre cette estimation.
Dès lors, plusieurs questions se présentaient : la perte de chance, si elle peut être indemnisée, peut-elle l'être intégralement ? Est-il possible d'engager la responsabilité du centre hospitalier fautif ?
[...] Cette solution permet ainsi à la fois d'indemniser intégralement le dommage subi, et de ménager les finances publiques sur lesquelles pèse le poids de la réparation par le centre hospitalier La possibilité d'étendue de cette jurisprudence Dans leur commentaire sous l'arrêt, les maîtres des requêtes Boucher et Bourgeois-Machureau se demandaient si la portée du revirement qu'elle opère s'étend, passés les murs de l'hôpital, à tous les cas dans lesquels la jurisprudence administrative admet de raisonner en termes de perte de chances Cette étendue serait probablement bénéfique à bien des victimes de perte de chance due à la faute d'une autre personne, et cette jurisprudence élargie ne serait que peu critiquable, puisqu'elle constitue globalement une solution équilibrée permettant un calcul juste de la chance perdue par rapport aux fautes commises. Ainsi, la jurisprudence Centre hospitalier de Vienne permet une amélioration notable de l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, et on peut espérer un élargissement de ces avantages à d'autres victimes dans des domaines différents. [...]
[...] Par ailleurs, il est très favorable aux victimes de bénéficier des mêmes solutions selon que l'affaire soit jugée par le juge civil ou le juge administratif. Surtout, la perte de chance est désormais mieux évaluée, ce qui constitue l'apport principal de cet arrêt. II. Un important revirement de jurisprudence pour l'indemnisation de la perte de chance La perte de chance n'a pas toujours été indemnisée, et par la suite, elle n'a pas été indemnisée de la même façon par le juge administratif et le juge civil. [...]
[...] B L'indemnisation de la perte de chance Le calcul même de la perte de chance peut poser problème, puisqu'elle est notoirement plus difficile à évaluer que le dommage en lui-même. Une réparation intégrale La perte de chance est un préjudice particulier, et parfois difficile à évaluer réellement. Dans ses arrêts précédents, le juge administratif indemnisait partiellement la perte de chance, et le juge civil l'indemnisait intégralement. Cependant, la somme allouée au final était sensiblement la même : l'assiette de l'indemnisation n'était pas la même au départ, mais l'évaluation était la même. [...]
[...] Conseil d'État décembre 2007 - l'indemnisation de la perte de chance Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout et les malchanceux ceux à qui tout arrive faisait dire Eugène Labiche à l'un de ses personnages. La question de l'aléa, de la chance, de la malchance et de la perte de chance, ont intéressé les philosophes depuis l'Antiquité, puis les juristes. Ainsi, les débats sur l'engagement de la responsabilité, que ce soit sur le terrain du droit civil ou administratif, soulèvent très souvent la difficile question de savoir ce qui peut être indemnisé, et dans quelle mesure. [...]
[...] Cependant, le juge administratif tendait à considérer que la perte de chance était un préjudice résultant d'un dommage. Le commissaire du gouvernement Olson a également enjoint le Conseil d'État à abandonner cette conception, et à indemniser la perte de chance comme le préjudice subi par une personne d'éviter un dommage : le préjudice qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu La conception nouvelle est donc plus juste, et plus proche de la réalité que recouvre la notion de perte de chance. [...]
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