La responsabilité administrative fait appel à une question délicate, celle de savoir qui peut être indemnisé, et dans quelle mesure. Le droit administratif doit donc prendre en compte les intérêts de l'administration ainsi que ceux des administrés. Cette difficulté est illustrée dans l'arrêt du 21 décembre 2007 émanant du Conseil d'Etat.
En l'espèce, le 4 septembre 1995, MA a été opéré pour un glaucome post-traumatique dans un établissement de santé privé. En raison de l'aggravation de l'état de son œil opéré, celui-ci s'est rendu aux urgences du Centre hospitalier de Vienne. L'ophtalmologiste de garde lui a prescrit un traitement antibiotique et lui a conseillé de revoir son médecin traitant. L'intéressé a souffert de violentes douleurs pendant la nuit et celui-ci s'est rendu de nouveau aux urgences, lieu où on lui a prescrit un traitement antibiotique.
Le 6 novembre 1995, sur les conseils de son médecin traitant, il a été réadmis à l'hôpital de Vienne. Ce n'est qu'à ce moment que les médecins ont posé le diagnostic d' une ulcération centrale de la bulle de filtration entraînant une endolphtalmie brutale. En dépit d'un traitement antibiotique par voie veineuse, MA a perdu totalement la vision de son œil droit.
Le patient a alors recherché la responsabilité du centre hospitalier de Vienne devant le tribunal administratif de Grenoble. Une expertise a été ordonnée, qui a reconnu l'existence d'un retard fautif dans le diagnostic. Le Tribunal a suivi le raisonnement de l'expert par un jugement en date du 20 mars 2002, et a considéré que le centre hospitalier avait commis une faute, compte tenu du délai qui avait été nécessaire pour diagnostiquer l'affection et entamer le traitement. Les juges ont mis en œuvre pour le calcul du préjudice un coefficient de perte' de chance, qui a été évalué à trois chances sur dix de sauver la vision de l'œil droit du patient. Ainsi, pour un préjudice évalué à 50 000 euros, ceux-ci ont indemnisé ma à 3/10 de cette somme, c'est à dire 15 000 euros.
MA et le Centre hospitalier de Vienne ont alors interjeté appel du jugement, et la Cour administrative de Lyon a statué par un arrêt en date du 22 novembre 2005. Cette dernière a estimé que le centre hospitalier était tenu à réparation intégrale du préjudice, elle a considéré que le coefficient de perte de chance n'avait pas à être appliqué pour le calcul de l'indemnité due à MA, cependant elle a diminué l'assiette du préjudice, tout en excluant le préjudice économique soutenu par MA, la Cour d'administrative d'appel a calculé un préjudice de 30 000 euros et non plus 50 000 euros. Ainsi, 30 000euros ont été alloués à l'intéressé.
Le Centre hospitalier de Vienne a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
La plus haute juridiction de l'ordre administratif s'est interrogée si une faute dans le retard du diagnostique avait été commise par l'établissement hospitalier, susceptible d'engager sa responsabilité, à savoir s'il y avait un lien de causalité entre l'activité fautive de l'administration et le préjudice subit par le patient. Par ailleurs, il s'agissait également de savoir si une éventuelle faute de la victime pouvait exonérer l'établissement public de sa responsabilité, dans le cas où celle-ci serait engagée. En outre, la question qui se posait était de savoir quel préjudice pouvait être indemnisé, à savoir le dommage corporel lui-même, ou la perte de chance que le dommage soit advenu, et si celui-ci devait être intégralement réparé.
Dans un arrêt de section, le Conseil d'Etat a affirmé la responsabilité administrative du centre hospitalier de Vienne dès lors qu'une faute dans le retard du diagnostique avait été commise. De plus, une éventuelle faute de la victime n'était pas de nature à exonérer le centre hospitalier de sa propre responsabilité. Celui-ci a estimé que dans la mesure où la faute du centre hospitalier n'at mené qu'à une perte de chance pour la victime d'éviter que le dommage soit advenu, cette perte de change peut être indemnisée intégralement, en calculant la fraction du dommage corporel indemnisable.
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a suivi les préconisations de son rapporteur public Olsen, et ses souhaits d'unification entre les deux ordres juridictionnels concernant l'indemnisation de la perte de chance, mais il s'agit également du ralliement jurisprudentiel au procéssus engagé dans les années 2000 par lesquels l'application du régime judiciaire de la perte de chance de se soustraire à la réalisation d'un risque pour sanctionner le manquement à l'obligation d'information sur les risques, même exceptionnels d'une intervention.
Ainsi, la faute simple du centre hospitalier, en tant que confirmation de l'évolution de la responsabilité administrative en matière hospitalière sera d'abord étudiée. Puis, l'indemnisation unificatrice limitée à la perte de chance d'éviter le dommage sera ensuite analysée.
[...] Avant, le juge administratif n'appliquait pas de coefficient de perte de chance. Mais il a suivi le raisonnement du juge civil. Cette alternative a été réalisée en suivant la jurisprudence civile, et en utilisant la perte d'une chance comme moyen d'indemniser ma, victime d'un préjudice incertain et indirect. Le conseil d'Etat emprunte dans ce considérant général la théorie judiciaire de la perte de chance en matière médicale, marquant ainsi sa volonté d'aligner sa jurisprudence sur celle de son homologue judiciaire. [...]
[...] Conseil d'Etat décembre 2007, Centre hospitalier de Vienne - responsabilité du personnel médical La responsabilité administrative fait appel à une question délicate, celle de savoir qui peut être indemnisé, et dans quelle mesure. Le droit administratif doit donc prendre en compte les intérêts de l'administration ainsi que ceux des administrés. Cette difficulté est illustrée dans l'arrêt du 21 décembre 2007 émanant du Conseil d'Etat. En l'espèce, le 4 septembre 1995, MA a été opéré pour un glaucome post- traumatique dans un établissement de santé privé. [...]
[...] ) la perte de chance d'éviter la cécité totale de son oeil droit, qui doit être évaluée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'expertise médicale, qu'en l'espèce le préjudice indemnisable doit être évalué à 30 pour cent du dommage corporel ( . ) estime le Conseil d'Etat. L'indemnisation doit donc être calculée sur une part de ce dommage. [...]
[...] Le Centre hospitalier de Vienne a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. La plus haute juridiction de l'ordre administratif s'est interrogée si une faute dans le retard du diagnostic avait été commise par l'établissement hospitalier, susceptible d'engager sa responsabilité, à savoir s'il y avait un lien de causalité entre l'activité fautive de l'administration et le préjudice subi par le patient. Par ailleurs, il s'agissait également de savoir si une éventuelle faute de la victime pouvait exonérer l'établissement public de sa responsabilité, dans le cas où celle-ci serait engagée. [...]
[...] Il est notable qu'une responsabilité pour faute simple puisse actuellement être engagée dans des domaines de plus en plus nombreux, il peut s'agir des opérations fiscales d'établissement et de recouvrement de l'impôt (CE juillet 1990, Bourgeois) ou pour les dommages causés par le sauvetage en mer (CE mars 1998, Améon). Cet arrêt s'inscrit dans la continuité de cet arrêt et des suivants, en estimant que "le diagnostique définitif d'endophtalmie n'a été posé que lors de la troisième consultation ( . ) alors qu'il aurait du l'être lors de la deuxième consultation ( . ) constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. [...]
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