S'inspirant d'un certain nombre de valeurs fondamentales de notre droit et de certains textes juridiques, les principes généraux du droit, dégagés par le juge administratif, ont caractéristiques d'être applicables même en l'absence de texte. Le juge dégage en effet un principe qui va conférer à l'administré une protection supplémentaire et qui va s'imposer à l'administration. C'est dans cette optique que le Conseil d'Etat a rendu son arrêt du 2 octobre 2002.
En l'espèce, Mme Fardouet, agent administratif au service de la chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle, tombe gravement malade au point que sa maladie la rend incapable d'occuper son poste. La chambre du commerce et d'industrie aurait dû, en vertu de l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, engager une procédure de licenciement de son agent en saisissant un comité médical. Or, la chambre refuse. L'intéressée a alors cherché réparation de cette situation inéquitable devant le tribunal administratif de Nancy qui, par un jugement du 19 novembre 1996, a condamné la chambre à verser une somme de 5 000 F en réparation du préjudice subi par Mme Fardouet du fait du refus de la chambre d'engager une procédure de licenciement. La chambre fit tout de même appel devant la cour administrative d'appel de Nancy qui rendit le 28 septembre 2000 un arrêt affirmant que la chambre était tenue de faire droit à la demande de son agent et d'enclencher la procédure de licenciement. Mme Fardouet ayant demandé par voie incidente à ce que son indemnité soit augmentée, la cour y fit droit en lui accordant 10 000 F. La chambre de commerce et d'industrie demande alors au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt. Cette description assez exhaustive de la procédure, appuyée sur les conclusions de Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement (AJDA 2002, p. 1294), semblait nécessaire à la compréhension de la présente décision.
[...] Par conséquent, cet arrêt illustre la reconnaissance d'un nouveau principe général du droit, principe vu comme un remède à une certaine carence juridique De cette reconnaissance découlent de nombreuses conséquences quant à son application (II). I La reconnaissance d'un nouveau principe général du droit : un remède à une carence juridique Faisant continuité à un arrêt rendu le 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, par lequel le Conseil d'Etat confirmait le respect des droits de la défense, la Haute Assemblée a fait expressément référence aux principes généraux du droit dans son arrêt du 26 octobre 1945. [...]
[...] B Le nouveau principe général du droit : une imposition à l'administration Ne résidant dans aucun texte puisque de source purement jurisprudentielle, ce principe général du droit va s'imposer à l'administration. On peut dès lors constater un certain pouvoir normatif de la jurisprudence mais celui-ci ne se justifie aucunement sur le plan juridique. Il n'est pas dans la fonction ordinaire du juge de créer le droit (article 5 du Code civil qui prohibe les arrêts de règlement). Cependant, même si le juge administratif se défend en effet de créer des principes généraux et entend simplement se fonder sur un certain nombre de valeurs fondamentales de notre droit pour en énoncer la teneur, le choix fait par le juge de sanctionner ou non tel ou tel principe témoigne de la force créatrice de la jurisprudence. [...]
[...] Même si la mise en œuvre de cette mesure est subordonnée à une demande du fonctionnaire et non à l'obligation de l'employeur d'engager la procédure, les dispositions en vigueur semblent conformes au principe. En revanche, pour les agents et les stagiaires, la situation semble différente. L'administration n'est en effet pas tenue de reclasser l'agent inapte, même si elle a l'obligation de le licencier. La situation est sensiblement la même pour les stagiaires. Nous pouvons donc émettre des doutes quant à la survivance de cette jurisprudence au regard de ce nouveau principe général. Toutefois, il est indéniable que la reconnaissance de ce nouveau principe constitue un élargissement jurisprudentiel déjà entamé. [...]
[...] Par cet arrêt, le Conseil d'Etat dégage en effet un nouveau principe général du droit : il résulte d'un principe général du droit Pour justifier sa décision, le juge crée donc un nouveau principe. Mais il ne le crée pas de toutes pièces, il s'appuie en effet sur des textes déjà existants. C'est pour cela qu'il parait plus juste de dire que le juge dégage un principe, plutôt qu'il le crée. En l'espèce, le Conseil d'Etat s'inspire des dispositions du Code du travail et des règles statutaires applicables aux fonctionnaires En effet, aux termes de l'article L. [...]
[...] Plus encore, l'employeur a une obligation d'engager la procédure de licenciement s'il apparait que le reclassement de l'agent déclaré inapte définitivement s'avère impossible. En l'espèce, la chambre de commerce et d'industrie, confrontée à Madame Fardouet devenue inapte physiquement, refuse d'engager la procédure de licenciement pour éviter d'avoir à payer une indemnité de licenciement. Dorénavant, la chambre a l'obligation, en cas d'inaptitude d'un agent, d'engager la procédure prévue au de cet article [article en saisissant le comité médical pour que celui-ci se prononce sur l'inaptitude physique de l'intéressé et sur le caractère définitif de celle-ci Une fois le comité médical saisi, il va donc se prononcer sur deux caractères : d'une part, l'inaptitude physique de l'employé, d'autre part, le caractère définitif de cette inaptitude. [...]
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