A l'heure où la décentralisation est déjà bien amorcée, où les services publics connaissent un large succès et où le domaine public souffre toujours d'une « hypertrophie », des situations délicates apparaissent, dans lesquelles s'entremêlent la compétence de l'Etat et de différentes collectivités locales relativement au service public de l'enseignement et aux biens qui lui sont affectés. Fort de sa jurisprudence le Conseil d'Etat ramène de la clarté là où la complexité serait susceptible de nuire à l'efficacité de ce service public.
Ce litige invite le Conseil d'Etat à revoir le principe selon lequel le propriétaire d'un bien est maitre de l'affectation de ce dernier pour s'interroger sur le point de savoir si la désaffectation d'un bien, remis en dotation ou à disposition d'une collectivité locale chargée de la gestion des établissements d'enseignement secondaire participant au service public de l'enseignement du second degré, peut être décidée sur proposition de cette collectivité locale avec l'accord de l'Etat.
En d'autres termes, la désaffectation d'un bien peut elle résulter d'un accord commun de la part de l'affectataire et du responsable du service public auquel est affecté ce bien ?
[...] - En validant la procédure de désaffectation posée dans la circulaire, le Conseil d'Etat fait donc le choix d'offrir une compétence partagée à l'Etat et à la collectivité territoriale devant gérer les lycées, collèges et établissements d'enseignement spécial, pour décider de la désaffectation d'un bien d'un établissement public local d'enseignement. Il justifie sa solution en affirmant qu'une telle procédure est conforme à la volonté du législateur puisqu'il déclare que le législateur a entendu partager la compétence pour l'organisation du service public de l'enseignement du second degré entre l'Etat d'une part, le département ou la région d'autre part - La Haute Juridiction consacre donc une nouvelle procédure de désaffectation des biens, applicable dans la situation complexe où le bien, propriété d'une personne publique, est affecté à un service public (lui-même placé sous la responsabilité d'une autre personne publique) et mis à disposition ou apporté en dotation à une autre collectivité publique. [...]
[...] Bien que rendant un arrêt de rejet, le Conseil d'Etat a néanmoins voulu marquer les esprits par sa solution vis-à-vis de la procédure de désaffectation. Il a ainsi entendu valider cette procédure innovante en lui apportant une confirmation jurisprudentielle et a également tenu à montrer à quel point elle se veut respectueuse des lois de décentralisation et de la volonté du législateur (II). La validation d'une procédure innovante de désaffectation des biens des établissements d'enseignement du second degré En validant, par son arrêt, la procédure de désaffectation des biens des établissements d'enseignement du second degré, décrite par la circulaire, le Conseil d'Etat affiche sa préférence pour une compétence partagée entre la collectivité locale et l'Etat et manifeste de ce fait, a contrario, son refus de conférer un pouvoir discrétionnaire à l'Etat dans la désaffectation de ces biens rejetant ainsi implicitement le recours à la théorie de la mutation domaniale Le refus de la désaffectation autoritaire de l'Etat : le rejet du recours à la mutation domaniale - La mutation domaniale est un principe général de la domanialité publique (aujourd'hui consacré par le Code Général de la Propriété des Personnes Publiques), consacrée notamment par le juge administratif dans l'arrêt Ville de Paris de 1909 et réaffirmée dans l'arrêt Commune de Proville de 2004, qui consiste dans la possibilité pour l'Etat de modifier unilatéralement l'affectation de dépendances domaniales des collectivités locales. [...]
[...] Il a néanmoins décidé de rejeter son application aux faits de l'espèce en considérant qu'elle serait incompatible avec la suppression de la tutelle de l'Etat sur les collectivités territoriales, avec la libre administration de ces collectivités et irait ainsi à l'encontre de la volonté du législateur. D'autre part, faire une lecture a contrario de l'arrêt pour déduire que le Conseil d'Etat a rejeté la théorie de la mutation domaniale, permet de mettre en valeur la solution retenue par la Haute Juridiction. [...]
[...] Il est d'ailleurs possible de considérer que le fait de rejeter la requête seulement après avoir d'abord analysé la procédure peut se justifier par la volonté du Conseil d'Etat de mettre en avant cette procédure et de lui offrir une consécration jurisprudentielle donc de ce fait une certaine force, légitimité. [...]
[...] Mais il est vrai que si l'Etat s'y oppose ça peut remettre en cause les compétences que les collectivités territoriales ont reçues des lois de décentralisation. - En réalité ces lois n'ont pas transféré pleine compétence aux collectivités puisque l'Etat reste chargé de l'affectation des personnels à ces établissements. Par conséquent la procédure prend bien acte de cette division des compétences et tout comme la loi fait pencher la balance vers les collectivités territoriales qui ont acquis de nombreuses compétences dans la gestion des établissements d'enseignement du second degré. [...]
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