Conseil d'État, 21 février 2018, prestations sociales, revalorisation, collectivités territoriales, compensation financière, décentralisation, montant forfaitaire, Calvados, Manche, Eure, Orne, article L1614-2 du CGCT, Revenu de Solidarité Active RSA, libre administration, Code général des collectivités territoriales
S'il était à choisir une question illustrant la cristallisation des tensions perceptibles dans le cadre de la décentralisation, celle de la compensation financière attribuée par l'État aux collectivités territoriales pourrait prétendre à l'exhaustivité. Tensions politiques entre autorités centrales et décentralisées, tensions juridiques d'un arsenal trônant au sommet de la hiérarchie des normes, mais à l'effectivité limitée, tensions financières pesant tant sur le budget des collectivités territoriales que de l'État. C'est dans ce contexte propice au contentieux que le Conseil d'État est invité à se prononcer sur la légalité d'un décret du 29 septembre 2016 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active.
Les départements du Calvados, de la Manche, de l'Eure et de l'Orne portent ainsi devant la juridiction administrative suprême l'acte réglementaire édicté par le Premier ministre après le refus implicite de celui-ci de donner suite au recours gracieux porté par les collectivités.
[...] De fait, la qualification de création n'avait pas plus de chance de se voir retenir, le décret n'opérant qu'une revalorisation d'une prestation déjà instituée. Transfert et création exclus, la question ne se posait pas dans les mêmes termes quant à la qualification d'une éventuelle extension de compétence. Une qualification néanmoins balayée au même titre que les deux précédentes par le juge administratif suprême. Peu éloquent sur ce moyen, le Conseil d'État se range derrière la solution préconisée par le Rapporteur public de l'affaire M. [...]
[...] Dans une interprétation classique, la concomitance évoquée à l'article L1614-1 laissait suggérer une simultanéité entre le transfert de ressources et de charges. Le Conseil opère dès lors une dissociation entre transfert et compensation, ces éléments s'insérant dans le cadre d'une temporalité plus ouverte d'accompagnement du transfert de compétences. Cette position conduit ainsi à admettre la pleine effectivité du transfert de compétences alors même qu'il n'aurait pas encore été procédé à la compensation. Position que laissait déjà présager le Conseil notamment dans son Avis du 12 mars 2010 Société Maxima. [...]
[...] Comme l'évoque Marc-Philippe Daubresse, rapporteur du projet de loi relatif à la généralisation du RSA, à l'occasion des discussions à l'Assemblée nationale du 25 septembre 2008 « si le dispositif marche, comme nous le pensons, la réduction du nombre de RMistes réduira d'autant les charges pour les départements ». Ce dernier, serein quant à l'efficacité de ce dispositif et faisant preuve d'un sens de l'anticipation contestable ira même jusqu'à affirmer que « pour l'heure [les départements], ne nous ont pas dit qu'ils allaient rembourser cette diminution de leurs charges à l'État ». Loin d'envisager la revalorisation de la compensation pour une augmentation des charges, notons que les autorités centrales s'avèrent bien plus enclines à discuter dès qu'il s'agit de leur diminution. [...]
[...] Toute la réflexion porte ici sur l'ampleur de la revalorisation, celle-ci s'apparentant pour le rapporteur public à un « coup de pouce » plus qu'à une novation de la prestation. L'enjeu à l'issue de cette démonstration réside dans la détermination d'un seuil de revalorisation permettant de constater une extension de compétence. Cette décision illustre de manière éclatante la faible lisibilité quant à la détermination de ce point de rupture entrainant qualification d'extension. Dès lors, restent en suspens les questions de comment apprécier cette extension ? À partir de quel montant ? De quelle manière ? Sont précisément en cause des considérations financières et temporelles. [...]
[...] Advenue par l'expérimentation, la décentralisation du Revenu de solidarité active est, elle, vouée à la recentralisation par l'expérimentation ? Malgré tout, le faible nombre de candidats questionne quant à la volonté réelle des départements. Au cœur de ce brouillard financier, un élément de réponse émanant du parlement et aux allures d'éclaircies budgétaires s'est fait remarquer. En effet, l'article 12 de la loi de Finances rectificative du 16 aout 2022 prévoit la compensation d'une nouvelle revalorisation du RSA à hauteur de 120 millions d'euros. [...]
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