L'administration est en mesure de donner une opinion : le conseil et le non-ordre. Dans ces cas, l'ordonnancement juridique n'est nullement affecté. Néanmoins, La distinction entre ces catégories s'avère parfois ambiguë. Il revient donc au juge administratif de faire la part des choses au regard, non seulement du contenu de l‘acte mais également en poussant l'analyse jusqu'à un décryptage de la psychologie de l'auteur de l'acte. Dans cette optique, la question de la normativité de ces quelques dix milliers de circulaires annuelles, que les ministres adressent à leurs subordonnés pour leur indiquer la conduite à tenir, s'est avérée être d'une remarquable complexité. Rappelons-nous les compétences réglementaires qu'a attribué le Conseil d'Etat aux ministres dans un arrêt Jamart (CE, 7 février 1936, Jamart). Il fut en effet reconnu aux chefs de service lato sensu un pouvoir réglementaire d'organisation. Cependant, ces derniers ont souvent eu la tentation de glisser des règles nouvelles dans leurs circulaires. Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Mme Duvignères rendu le 18 décembre 2002 (CE, Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères), tenta ainsi de maîtriser ces « dérives » : « les dispositions impératives de caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ». En d'autres termes, Le Conseil d'Etat crée une distinction entre les circulaires impératives aux circulaires non impératives. Ces premières, les circulaires impératives, sont considérées comme normatives et sont attaquables la juridiction administrative. Le juge administratif doit donc déterminer si les mesures réglementaires sont des circulaires normatives, non normatives, ou des directives (subtilement en tant que catégorie d'acte intermédiaire) afin de déduire si celles-ci sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En cas de recours par voie d'action, leur légalité sera alors conditionnée par différents éléments. A l'inverse, les circulaires non impératives ne font pas grief et ne sauraient être attaquées devant le juge administratif pour un contrôle de légalité.
En l'espèce, le Conseil d'Etat était saisit d'une affaire, le 18 mai 2005, concernant l'Association spirituelle de l'Eglise de scientologie d'Ile-de-France. Cet arrêt n'est autre qu'une illustration récente du pouvoir de contrôle de légalité par voie d'action des circulaires, suite à un recours pour excès de pouvoir.
Tout commença lorsque le Garde des sceaux adressa aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, relatives à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire. La circulaire du 29 février 1996 indiquait que la lutte contre les dérives sectaires devait reposer sur une application plus stricte du droit existant et que toute plainte devait être examinée avec une vigilance extrême. La liste des mouvements pouvant être qualifiés de sectaire déterminée à partir d'un rapport de la commission d'enquête sur les sectes était annexée à celle-ci. Celle du 1er décembre 1998 rappelait la nécessité de donner un nouvel élan à la lutte contre les dérives sectaires en développant les échanges d'informations entre les magistrats du parquet et les associations de lutte contre le phénomène sectaire. Elle rappelait également la désignation d'un correspondant en cette matière au sein du parquet général. Les associations spirituelles de l'Eglise de scientologie d'Ile-de-France et de scientologie Celebrity Centre avaient demandé au Garde des sceaux d'abroger ces deux actes, mais sans réponse pendant plus de deux mois. Elle défère donc l'affaire au Conseil d'Etat réunit en contentieux.
Les associations, par l'intermédiaire d'une requête sommaire et d'un mémoire complémentaire du 3 septembre 2003 et du 5 janvier 2004, demandaient l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite rendue par le rejet résultant du silence du Garde des sceaux. Ainsi, elles faisaient grief aux circulaires attaquées d'émaner d'une autorité incompétente (en ce quelle contenaient des dispositions normatives relevant des domaines de la loi et du règlement) et de porter atteinte à la hiérarchie des normes (par la violation du principe de la liberté religieuse consacré par les droits constitutionnels et conventionnels).
Le Conseil d'Etat s'est donc demandé si ces deux actes étaient-ils susceptibles d'un excès de pouvoir.
Le Conseil d'Etat rejeta la requête des associations. En effet, la Cour a considéré que le Garde des sceaux s'était borné à décrire, dans les deux circulaires attaquées, le phénomène sectaire tel qu'il était exposé dans le rapport de la commission parlementaire qui y était consacré. De plus, elles se bornaient à recommander aux différents procureurs de faire usage toutes les possibilités ouvertes par le droit positif pour lutter contre les dérives sectaires. Par conséquent, elle n'avait en aucun cas porté atteinte à leur pouvoir d'appréciation, ni édicté de nouvelles prescriptions. Enfin, il décida que l'annexe extraite du rapport précité n'était présente que dans une optique d'information. En conséquence, il décida que les circulaires ne contenaient aucune disposition législative ou réglementaire. En second lieu, la Cour a considéré que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les circulaires précitées méconnaîtraient le principe de liberté religieuse consacré par la Constitution mais aussi par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) et également par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH) compte tenu des risques que peuvent véhiculer les pratiques de certains organismes sectaires. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat s'est placé, dans son analyse juridique, largement en faveur de la protection de l'ordre public à l'égard des pratiques tendancieuses que constitue le culte sectaire.
Il faut tout d'abord souligner que cet arrêt expose l'état actuel du contrôle de légalité des circulaires par voie d'action : non seulement, il s'appuie sur l'ensemble des principes conditionnant l'appréciation de la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir (lorsque qu'une circulaire en est accusée) et rappelle également les éléments classiques conditionnant la légalité de cet acte. Il en profite de plus pour resituer ceci par rapport aux précisions de la jurisprudence récente en ce qui concerne le respect de la hiérarchie des normes. En définitive, le Conseil d'Etat, sous un oeil plus large, illustre par son contrôle un exemple d'application des multiples sources du droit administratif moderne.
Il conviendra donc de se demander en quoi le Conseil d'Etat expose-t-il l'ensemble des principes relatifs à la recevabilité du contrôle de légalité des circulaires, tout en précisant la recevabilité de ce contrôle par l'apport de différents éléments conditionnant la légalité ?
C'est au regard au regard de cet arrêt de 2005 que nous distinguerons les principes originels du contrôle de légalité des circulaires des compléments plus récents. Il faudra donc trouver un appui jurisprudentiel de ces fondements par l'intermédiaire des principes des arrêts Notre-Dame du Kreisher (CE, 29 janvier 1954, Notre-Dame du Kreisher) et Mme Duvignères (CE, 18 décembre 2002, Mme Duvignères). C'est par ce train d'analyse qu'il faut observer que l'arrêt Association spirituelle de l'Eglise de scientologie d'Ile de France souligne aussi bien les clés du contrôle davantage traditionnel de la légalité des directives (I) tout en avançant ses améliorations plus récentes (II).
[...] Le juge administratif doit donc déterminer si les mesures réglementaires sont des circulaires normatives, non normatives, ou des directives (subtilement en tant que catégorie d'acte intermédiaire) afin de déduire si celles-ci sont susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En cas de recours par voie d'action, leur légalité sera alors conditionnée par différents éléments. A l'inverse, les circulaires non impératives ne font pas grief et ne sauraient être attaquées devant le juge administratif pour un contrôle de légalité. En l'espèce, le Conseil d'Etat était saisi d'une affaire, le 18 mai 2005, concernant l'Association spirituelle de l'Eglise de scientologie d'Ile-de-France. [...]
[...] Le Conseil d'Etat s'est donc demandé si ces deux actes étaient susceptibles d'un excès de pouvoir. Le Conseil d'Etat rejeta la requête des associations. En effet, la Cour a considéré que le Garde des Sceaux s'était borné à décrire, dans les deux circulaires attaquées, le phénomène sectaire tel qu'il était exposé dans le rapport de la commission parlementaire qui y était consacrée. De plus, elles se bornaient à recommander aux différents procureurs de faire usage toutes les possibilités ouvertes par le droit positif pour lutter contre les dérives sectaires. [...]
[...] Cependant, il faut pouvoir s'interroger sur l'étendue du contrôle de la légalité d'une circulaire suite à un recours par voie d'action pour excès de pouvoir. En plus d'être subordonné dans l'ordre interne, le règlement pourrait bien trouver d'autre restriction d'ordre conventionnel. Des normes soumises au principe impératif de conventionnalité En l'espèce, le principe de liberté religieuse énoncé dans le troisième Considérant n'a pas seulement une valeur constitutionnelle. En effet, il est consacré par les articles 9 et 14 de la CESDH. [...]
[...] Par conséquent, elle n'avait en aucun cas porté atteinte à leur pouvoir d'appréciation, ni édicté de nouvelles prescriptions. Enfin, il décida que l'annexe extraite du rapport précité n'était présente que dans une optique d'information. En conséquence, il décida que les circulaires ne contenaient aucune disposition législative ou réglementaire. En second lieu, la Cour a considéré que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les circulaires précitées méconnaîtraient le principe de liberté religieuse consacré par la Constitution, mais aussi par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) et également par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (CESDH) compte tenu des risques que peuvent véhiculer les pratiques de certains organismes sectaires. [...]
[...] Plus ponctuellement, le Conseil d'Etat est venu affirmer, dans un arrêt Association avenir de la langue française (CE juillet 2003, Association avenir de la langue française) que, dans l'hypothèse où des dispositions législatives se révéleraient incompatibles avec des règles communautaires, les ministres peuvent donner instruction à leur service de ne pas les appliquer. Ils ne peuvent en revanche édicter par voie de circulaire, des dispositions de caractère réglementaire qui se substitueraient à ces dispositions législatives. Cet arrêt Association spirituelle de l'Eglise de scientologie d'Ile- de-France de 2005 tendrait à mettre en perspective la notion de circulaires générales. [...]
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