Dans une démocratie, la justice est rendue au nom de l'Etat. Par conséquent, un mauvais fonctionnement des juridictions ne peut engager que la seule responsabilité de la puissance publique. Rappeler ce principe peut sembler superflu mais en réalité, contrairement à la justice judiciaire, les décisions du Conseil d'Etat sont assez rares en la matière.
L'arrêt Gestas du 18 juin 2008 a ainsi apporté des précisions opportunes quant au régime de la responsabilité de l'Etat du fait du fonctionnement défectueux de la justice administrative.
En l'espèce, Monsieur Gestas, le requérant, avait été recruté en 1977 par le Ministère de l'Éducation nationale en qualité de maître-auxiliaire. Il avait été alors affecté au lycée Charles Despiau à Mont-de-Marsan. Quelques années plus tard, il avait sollicité sa titularisation. Une proposition lui avait alors été faite en ce sens mais impliquait une nomination dans l'académie de Paris. En raison de l'état de santé de sa mère, Monsieur Gestas avait alors décliné l'offre se retrouvant ainsi sans emploi à la rentrée 1983/1984. Par la suite, alors qu'il avait été de nouveau employé de décembre 1983 à juin 1984, cette nouvelle affectation s'était traduite par une perte d'échelon. L'intéressé n'avait alors plus reçu de nouvelle affectation à partir de la rentrée 1984.
[...] Le CE a ainsi tiré les conséquences de la jurisprudence communautaire relative aux implications de la primauté du droit communautaire sur le terrain de la responsabilité des Etats membres du fait des décisions juridictionnelles. Cette prise de position est d'autant plus significative qu'en l'espèce, le juge constate l'absence de violation des textes communautaires ainsi que des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. La question est alors de savoir comment la doctrine a perçu ce changement de position du Conseil d'Etat notamment sous l'angle des rapports avec le juge communautaire. [...]
[...] C'est une décision d'Assemblée Garde des Sceaux, ministre de la Justice contre Magiera de juin 2002 qui a fondé la responsabilité de l'Etat en la matière. A travers cet arrêt, le Conseil d'Etat a dégagé trois critères cumulatifs pour déterminer en quoi consiste la durée excessive d'une procédure. Avant de les citer, il convient de préciser que bien avant 2002, la Cour européenne des droits de l'Homme utilisait déjà un faisceau d'indices comparable. C'est donc en partie sous la pression de la Cour de Strasbourg que le CE a dégagé ces 3 critères à savoir le degré de complexité du litige à trancher, le comportement du requérant et des autorités compétentes ainsi que le délai effectif du jugement. [...]
[...] A l'opposé, le professeur Denys Simon se réjouit du revirement opéré par cet arrêt. Il reprend ainsi les propos tenus par M. JM Sauvé, Vice Président du Conseil d'Etat, selon lequel ce qui frappe le plus au cours de la période récente [ ] est la fermeté croissante du juge national pour faire respecter la primauté et l'applicabilité du droit communautaire L'arrêt Gestas devient ainsi un indice particulièrement frappant de la polyphonie des juges dans la mise en œuvre du droit communautaire. [...]
[...] Il s'agit d'une dérogation très nette à la jurisprudence préexistante. C'est cet aspect de la décision du CE qui va être étudiée ici. II- Une innovation majeure en matière de responsabilité de l'Etat pour fautes lourdes commises par les juridictions administratives ~ Afin de mesurer pleinement l'étendue du revirement opéré ici par le CE, il sera d'abord expliqué comment et pourquoi une violation manifeste du droit communautaire peut désormais engager la responsabilité de la puissance publique Il s'agira alors de voir quel accueil a été réservé à cette volte-face du juge administratif Une prise en compte novatrice de la violation caractérisée du droit communautaire En matière de responsabilité de l'Etat pour mauvais fonctionnement de la juridiction administrative, l'arrêt d'Assemblée Darmont du 29 décembre 1978 fait figure de pierre angulaire. [...]
[...] Par conséquent, les conclusions du demandeur ne pouvaient être qu'admises. Reste à savoir comment le CE a entendu indemniser le préjudice subi par Monsieur Gestas. La sélection du préjudice moral comme seul fondement de l'indemnisation En l'espèce, il semble important de souligner que le CE retient uniquement le préjudice moral comme fondement de l'indemnisation. Cela signifie qu'il a volontairement écarté d'autres chefs d'indemnité tels que la perte de salaires ou de pensions. Pour justifier ce choix, le CE affirme que ces pertes sont imputables non pas à la lenteur anormale de la procédure mais plutôt à l'administration de l'éducation nationale. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture