Arrêt du 18 juin 2008, responsabilité de l'État, service public, justice administrative, lien de causalité, tribunal administratif de Pau, délai raisonnable, droit communautaire
En l'espèce, un administré travaillant pour le ministère de l'Éducation nationale a saisi le tribunal administratif de Pau en 1985 concernant une décision affectant sa situation professionnelle. Après plusieurs recours et une succession de décisions judiciaires, le Conseil d'État a statué définitivement sur le litige en 1999. Estimant que la durée de la procédure était excessive, en ce qu'elle avait duré 15 ans et 8 mois, l'administré a engagé la responsabilité de l'État en demandant des indemnisations à hauteur de 986 706, 96 euros pour préjudices matériel et moral ainsi que faute lourde.
[...] On retrouve par-là l'aspect limitatif du régime de responsabilité de la justice administrative. A ce titre, Serge Velley, maitre de conférences à l'Université Paris Nanterre, qualifie dans son manuel de Droit Administratif paru aux éditions Vuibert l'autorité de la chose « mal » jugée. On comprend en ce sens que ce régime restrictif de responsabilité de la justice administratif est facilement critiquable, et semble poser question au vu du régime de responsabilité de la juridiction judiciaire, quant à lui bien plus ouvert. [...]
[...] Le Conseil d'Etat ne rappelle pas seulement ces principes, il en détaille également l'application concrète. En effet, le Conseil d'Etat affirme, par son troisième considérant, que le requérant est « fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu ». Il est ainsi établi que le moyen d'espèce est fondé, et que le droit à un délai raisonnable de jugement a bel et bien été méconnu dans le cas d'espèce. Pour en tirer de telles conclusions, les juges du Conseil d'Etat effectuent un examen détaillé tout au long du troisième considérant, des aspects procéduraux du litiges, en appréciant à la fois les demandes du requérant, mais aussi les différentes décisions et leurs dates. [...]
[...] En effet, la décision commentée semble se fonder sur l'arrêt Köbler de la Cour de Justice des Communautés Européennes, du 30 septembre 2003, lequel pose le principe selon lequel la responsabilité de l'Etat peut être engagée du fait d'une décision qui violerait le droit communautaire, à la condition que cette violation soit manifeste. Dans cette mesure, le Conseil d'Etat est véritablement influencé par les juridictions européennes à se conformer au droit communautaire. On retrouve en effet d'autres décisions au cours desquelles le Conseil d'Etat a consacré la responsabilité de l'Etat conformément au droit communautaire. [...]
[...] Si le Conseil d'Etat retenait auparavant l'exigence d'une faute lourde s'agissant des fautes commises dans l'exercice de la fonction juridictionnelle Darmont décembre 1978) l'arrêt Magiera allège ce critère, en reconnaissant la méconnaissance du délai raisonnable comme faute simple, bien que l'arrêt n'emploie pas expressément ces termes. Cet élargissement des domaines de responsabilité de l'administration en matière de service public de la justice ouvre, non-seulement les possibilités de voies de recours pour les justiciables, mais aussi la compétence du Conseil d'Etat en la matière. Par un décret de 2005, il est ainsi prévu que le Conseil d'Etat est compétent pour connaitre, en premier et en dernier ressort, des actions de responsabilité dirigées contre l'état pour une durée excessive des procédures devant la juridiction administrative. [...]
[...] La décision du Conseil d'Etat du 28 février 1992 SA Philip Morris France consacre ainsi l'engagement de la responsabilité de l'Etat lorsqu'une autorité administrative adopte un acte administratif contraire au droit de l'Union Européenne. De même, dans un arrêt du 8 février 2007, Gardedieu, la responsabilité de l'Etat est engagée lorsque les lois méconnaissent les engagements internationaux de la France, notamment ses engagements européens. Si le Conseil d'Etat consacre donc ce principe d'élargissement d'engagement de la responsabilité de l'Etat en vertu d'un alignement sur le droit communautaire et de tenter d'amoindrir les restrictions posées par la jurisprudence antérieure, l'application in concreto du principe ne semble donner lieu qu'à des refus de la faute lourde, qui n'est pas retenue. [...]
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