L'idée de libéralisation des prix avec l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'accompagne de mesures exceptionnelles de fixation des prix, comme le prévoit l'alinéa 2 de l'article 1er en disposant que : “dans les secteurs ou dans les zones où la concurrence par les prix est limitée en raisons soit de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, soit de dispositions législatives ou règlementaires, les prix continueront à être réglementés”. Mais ce cadre doit rester adaptable aux évolutions économiques et donc semble devoir faire l'objet d'une réévaluation régulière à cet effet.
Or ce n'est pas toujours le cas, comme le démontre une affaire de 2006 concernant la réglementation du prix du ciment aux Antilles, où la fixation des prix n'avait pas évolué depuis un décret du 17 novembre 1988, soit depuis pratiquement vingt ans. En l'espèce, une société de vente de ciments en Guadeloupe et en Martinique invoquait une méconnaissance du principe d'égalité en se basant sur le fait que la réglementation des prix du pétrole avait été réévaluée par un décret du 23 décembre 2003. La société requérante avait d'abord demandé au premier ministre d'annuler certaines dispositions de la nouvelle réglementation de 2003 qui reconduisait le régime des prix du ciment établi en 1988, lequel avait, par son silence, implicitement refusé. Le requérant demande alors au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite du premier ministre, et d'enjoindre à celui-ci de modifier les dispositions contenues dans le décret de 1988.
La question qui se posait au juge administratif peut alors être formulée ainsi : le refus implicite de l'administration d'abandonner, ou à tout le moins, de réévaluer la réglementation applicable au prix du ciment en Guadeloupe et en Martinique, comme le prévoit le décret du 23 décembre 2003 pour les prix pétroliers dans cette région, porte-t-il atteinte au principe d'égalité ?
[...] Le phénomène de déréglementation et l'exemple de la liberté des prix. Commentaire d'arrêt du 18 janvier 2006, Conseil d'Etat Comme le note le ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation, E. Balladur, en 1986 lorsqu'il présente législateur projet d'ordonnance sur la liberté des prix et le droit de la concurrence, toutes les réformes que le gouvernement met en œuvre, la libéralisation des prix - et son corollaire nécessaire, la modernisation du droit de la concurrence - est sûrement l'une des plus importantes ( ) l'opposé d'une réforme de circonstances”. [...]
[...] On comprend mal alors que seule la SARA bénéficie d'une réévaluation des prix de ses prix, ce qui va certainement permettre de prendre en compte ces évolutions, d'ailleurs qualifiées de “très inégales” par le Conseil d'Etat, ce qui peut laisser penser qu'elles ont un impact assez important sur l'activité des entreprises concernées. Comme le demande justement A. Laget- Annamayer : particularité de ces deux produits - pétrole et ciment, le pétrole en tant que combustible n'est-il pas un des éléments déterminants du prix du ciment ? combinée à la spécificité du marché antillais, ne justifiait-elle pas au contraire un traitement identique ou au minimum similaire Or cette appréciation de “situation différente” découle directement d'un contrôle restreint qui est également contestable. [...]
[...] Au sens strict, le monopole est en effet la situation dans laquelle l'entreprise serait la seule à offrir le produit sur le marché, or ce n'est pas le cas puisque la société ne détient pas la totalité des parts de marché. Cependant, elle en détient une large majorité, et on pourrait alors lui appliquer le sens large de la situation de monopole, car l'entreprise domine sans conteste le marché et la concurrence reste marginale - idée appuyée par le fait qu'aujourd'hui, la situation de monopole stricto sensu est difficile à qualifier et semble relever de la théorie. [...]
[...] Mais si les mesures prises par l'Administration en matière économique doivent respecter l'égalité des agents économiques entre eux, il faut souligner que l'égalité ne s'entend qu'à l'intérieur d'une même catégorie d'administrés, c'est-à- dire ceux placés dans une même situation ou dans une situation comparable. Si ce n'est pas le cas, la différence de traitement ne porte pas atteinte au principe d'égalité, comme le démontre l'arrêt Denoyez et Chorques du 10 mai 1974. Cela peut alors conduire à une appréciation extensive de la différence de situation, ou autrement dit à une acception très stricte de la notion de “même situation”. En effet, il est “assez rare que deux entreprises ou deux catégories d'entreprises soient dans des situations objectivement parfaitement comparables”, comme le note A. [...]
[...] De même, dans un avis du Conseil de la concurrence du 16 mars 1998, cité par A. Laget-Annamayer, le prix de la farine avait été considéré comme légalement réglementé, même en l'absence de monopole, en raison du taux élevé de l'octroi de mer. Malgré l'étendue de son contrôle sur la qualification juridique des faits, qui va conduire le juge à considérer que la réglementation des prix du ciment en Guadeloupe et en Martinique est encore justifiée, le Conseil ne semble pas véritablement s'intéresser à une éventuelle évolution des paramètres économiques depuis 1988, qui aurait pu donner lieu à une réévaluation des prix du ciment, sinon à une abrogation. [...]
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