L'arrêt du Conseil d'État daté du 18 décembre 2002, dit arrêt Mme Duvignères, est remarquable du point de vue de la jurisprudence administrative du fait de son apport conséquent sur le régime contentieux des circulaires. Une particulière avait demandé à bénéficier d'une aide juridictionnelle en vertu de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Or, la demande de Mme Duvignères lui a été refusée au motif que ses ressources dépassaient le plafond d'octroi de l'aide, car dans le calcul de l'administration était incluse une aide personnalisée au logement qu'elle percevait.
Voilà le point de litige : Mme Duvignères considérait que cette aide personnalisée au logement ne devait pas être comptée parmi ses ressources, car la loi du 10 juillet 1991 ne la mentionne pas en tant que telle. En revanche, le décret d'application de la loi, daté du 19 décembre 1991, inclut cette aide personnalisée au logement dans les ressources. La circulaire du 26 mars 1997 a par la suite confirmé cette décision.
[...] D'autre part, l'application de cette dichotomie se heurtait à de possibles erreurs d'interprétation, c'est-à-dire des cas de figure dans lesquels la circulaire viendrait à donner une interprétation erronée du texte dont elle doit assurer l'application. En partant d'une erreur d'interprétation, on pourrait donc suggérer que la circulaire crée sans le vouloir une nouvelle règle de droit, légèrement différenciée, et se transforme de ce fait en circulaire réglementaire. La jurisprudence a par la suite établi que de la légalité de la circulaire dépendait sa nature : si la circulaire est légale, elle est interprétative ; au contraire, si elle est illégale, elle est réglementaire et peut donc être attaquée en recours pour excès de pouvoir. [...]
[...] Ainsi le Conseil d'Etat précise au cours de sa lecture publique de l'arrêt Duvignères le 18 décembre 2002 que le recours formé contre les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire doit être accueilli si, premièrement, les dispositions de l'acte fixent dans le silence des textes une règle nouvelle, entachée donc d'incompétence. Deuxièmement si l'interprétation que le texte prescrit méconnait le sens et la portée des dispositions législatives et réglementaires devant être appliquées. Enfin, si l'interprétation induite par la circulaire réitère une norme contraire aux normes juridiques supérieures. [...]
[...] Dès lors, la circulaire a bel et bien des effets juridiques et modifie le droit concret ou la situation juridique vis-à-vis de ces agents. Comme l'indiquent les auteurs des Grands arrêts de la jurisprudence administrative, la distinction des circulaires impératives et des circulaires non impératives se substitue donc à celle des circulaires réglementaires et des circulaires interprétatives Ce changement est fondamental parce qu'il éclaircit de ce fait définitivement le régime contentieux de la circulaire : les circulaires que l'on considérait autrefois comme interprétatives peuvent maintenant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, à partir du moment où elles sont considérées comme impératives. [...]
[...] Ainsi, sur la base de la prépondérance du critère d'impérativité sur le contrôle des circulaires par le juge administratif, la notion clé dans le contrôle de légalité devient l'effet induit par le texte. Dans le contrôle de légalité effectué par le juge, on peut donc affirmer que la recevabilité des circulaires administratives se détache du régime juridique sur lequel le texte fonde sa validité, il revient au juge compétent de par le principe général d'égalité et sur la base ici du bloc de conventionalité, de définir ce qui relève au sein d'un même texte de la prescription d'un côté et de l'opinion de l'autre. [...]
[...] En revanche, le décret d'application de la loi, daté du 19 décembre 1991, inclut cette aide personnalisée au logement dans les ressources. La circulaire du 26 mars 1997 a par la suite confirmé cette décision. Mme Duvignères a donc d'abord demandé au Garde des Sceaux d'abroger le décret d'application ainsi que la circulaire, en raison de la prise en compte de cette aide dans les ressources. Le ministre de la Justice a refusé cette abrogation dans une lettre officielle du 23 février 2001. [...]
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