Depuis l'origine, les services publics se trouvent astreints à une obligation d'adaptation constante formulée, en 1934, par le professeur Rolland, sous l'expression de principe de mutabilité, et rangé, par ce dernier, au rang des « lois » du service public. En effet, ce principe consiste en l'adaptation de l'organisation et du fonctionnement du service public aux évolutions des besoins collectifs et de l'intérêt général, aussi bien dans le temps que dans l'espace. Or, ce principe a connu des applications et des prolongements jurisprudentiels, dans le domaine des contrats administratifs, bien avant sa célèbre formulation doctrinale (à titre d'exemple : Conseil d'État, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen). De manière générale, le juge refuse que le cocontractant se réfugie derrière des clauses contractuelles le liant à l'Administration pour refuser d'adapter le service public ; à l'inverse, le principe de mutabilité implique que cette même Administration puisse lui imposer une adaptation par la voie d'une modification unilatérale des stipulations voire d'une résiliation unilatérale du contrat administratif pour un motif d'intérêt général.
En l'espèce, le conseil d'État est conduit à examiner, dans le cadre de contentieux sensiblement différents, des litiges portant, d'une part, sur la mise en application de ce principe de modification unilatérale et, d'autre part, sur la consécration textuelle de ce principe au sein d'un règlement.
[...] Ainsi, en premier lieu, dans le cadre d'un contrat de marché, en date du 23 janvier 1970, liant la société compagnie française d'entreprises au centre hospitalier régional de Caen, le maître d'ouvrage - en l'espèce, le centre hospitalier - use de son pouvoir de coercition à l'égard de l'entrepreneur. En effet, par un ordre de service du 11 janvier 1974, le maître d'ouvrage enjoint à l'entrepreneur d'effectuer la pause de contre- gaines en lieu et place du renforcement du ferraillage des voiles de béton initialement prévu. [...]
[...] En revanche, la finalité de l'opération demeure l'évacuation de l'air pollué et des gaz usés et la volte-face opérée par l'administration se justifiait évidemment par l'insuffisance des garanties techniques apportées par la première solution. Néanmoins, dans l'hypothèse où cette modification substantielle se constaterait, le juge ne manquerait sans doute pas de procéder à la résiliation du contrat en cause. Cette solution paraît d'autant plus souhaitable que l'Administration doit être invitée à faire usage de son pouvoir de modification unilatérale avec retenue et seulement lorsque la nécessité s'en fait sentir. [...]
[...] Pourtant, le conseil d'État, par son arrêt du 2 février 1983, met à mal cette théorie doctrinale puisqu'il énonce, de manière franche, que les auteurs du décret qui accordait à une Administration le pouvoir de modification unilatérale se sont bornés à faire application des règles générales applicables aux contrats administratifs Ce considérant formalise, ainsi, de manière explicite, l'habitude prise par le juge administratif de reconnaître ce pouvoir de modification unilatérale sans pour autant se référer expressément soit au contrat, soit à un texte extérieur (conseil d'Etat, section mai 1933, Compagnie Générale des Eaux). Il convient donc d'en déduire que le pouvoir de modification unilatérale du contrat administratif par l'Administration est inhérent à tout contrat administratif et qu'ainsi, toute clause contractuelle ou tout texte réglementaire le prévoyant est, dès lors, superfétatoire. [...]
[...] D'autre part, suite à l'édiction d'un décret en date du 29 octobre 1980 portant application de la loi du 19 juin 1979 relatif aux transports publics d'intérêt local, l'union des transports publics urbains et régionaux engage un recours pour excès de pouvoir dans le but d'obtenir l'annulation du décret précité. Le conseil d'État, statuant alors comme juge de première instance, examine, dans son arrêt du 2 février 1983, la légalité du décret contesté. À cette occasion, le juge administratif se prononce sur des questions qu'il convient de présenter dès à présent. [...]
[...] Pourtant, l'intervention quasi incidente de cette expression au sein de l'arrêt conduit à adopter une position prudente. De surcroît, pour le professeur Auby, le conseil d'État ne dit aucunement que le décret n'a pas porté atteinte à des règles générales, mais, ce qui n'est pas la même chose, qu'il s'est borné à les appliquer Toutefois, il nous semble tout aussi pertinent d'objecter que c'est le propre d'une norme inférieure d'appliquer et de mettre en oeuvre la norme supérieure et qu'en outre, en soulignant que le décret a appliqué ces règles générales, le conseil admet implicitement qu'il ne les a pas violées. [...]
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