La loi du 27 août 1940 prescrivait aux maires de dresser la liste des exploitations abandonnées ou incultes depuis plus de deux ans et permettait aux préfets de concéder sans même attendre les résultats de cet inventaire, pour mise en culture immédiate, toute parcelle abandonnée ou inculte depuis plus de deux ans. De ce fait, le préfet de l'Ain a concédé, en application de cette loi, par un arrêté du 29 janvier 1941, des terres au sieur Testa, qui appartenaient à dame Lamotte. Le Conseil d'Etat a annulé ce premier arrêté par une décision du 24 juillet 1942, car ces terres n'étaient « pas abandonnées et incultes depuis plus de deux ans ». Ultérieurement, le Conseil d'Etat a annulé, par une décision du 9 avril 1943, un second arrêté du même préfet du 20 août 1941, concédant à nouveau au sieur Testa, trois nouvelles parcelles de terre, toujours attenantes au domaine de dame Lamotte. Le 29 décembre 1944, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 2 novembre 1943 comme entaché de détournement de pouvoir, arrêté qui réquisitionnait encore une fois le domaine de dame Lamotte, toujours au profit du sieur Testa.
[...] Ce raisonnement a également été repris dans une jurisprudence ultérieure. II) Principe affirmé au niveau international et constitutionnel Sous l'influence des conventions internationales et notamment européennes, ainsi qu'avec l'extension du contrôle de constitutionnalité par le conseil constitutionnel, il semble possible d'affirmer qu'une disposition législative qui viendrait à soustraire un acte administratif à tout contrôle juridictionnel serait contraire à la norme internationale ainsi qu'a celle constitutionnelle. Un principe affirmé au niveau international La Cour de justice des communautés européennes en a fait un principe général du droit communautaire qui se trouverait à la base des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres (15 mai 1986,Marguerite Johnston) et l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales prévoit le droit à un recours effectif pour toutes personnes dont les droits et les libertés reconnus dans la Convention auraient été méconnus. [...]
[...] Le 29 décembre 1944, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 2 novembre 1943 comme entaché de détournement de pouvoir, arrêté qui réquisitionnait encore une fois le domaine de dame Lamotte, toujours au profit du sieur Testa. Le ministre de l'Agriculture défère au conseil d'Etat l'arrêté en date du 4 octobre 1946, par lequel le Conseil de préfecture interdépartementale de Lyon, saisi d'une réclamation formée par dame Lamotte contre un quatrième arrêté du préfet de l'Ain du 10 août 1944 concédant une fois de plus au sieur Testa le domaine de dame Lamotte, a prononcé l'annulation de ladite concession. [...]
[...] En effet cette loi dispose que l'octroi de la concession ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire Cette loi interdisait donc à dame Lamotte de former une réclamation visant à l'annulation des arrêtés prononcés par le préfet de l'Ain. Une question se pose alors, celle de savoir si un acte législatif a le pouvoir de supprimer tout recours à une décision administrative. Nous verrons dans un premier temps que le Conseil d'Etat affirme qu'il existe un principe général du droit selon lequel toute décision administrative peut faire l'objet, même sans texte, d'un recours pour excès de pouvoir. Puis nous remarquerons que ce principe est affirmé non seulement au niveau international, mais également au niveau constitutionnel. [...]
[...] La loi du 23 mai 1943 interdisait le recours administratif ou judiciaire. Or le Conseil d'Etat a considéré que ce texte ne pouvait avoir pour effet d'exclure le recours pour excès de pouvoir, destiné à assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité Cette jurisprudence qui fait de ce recours un instrument général du contrôle de la légalité a été depuis lors de nombreuses fois confirmée. (Conseil d'Etat 17 avril mai novembre 1961 en assemblée) La jurisprudence dame Lamotte se révèle ainsi être une sauvegarde du contrôle de la légalité contre la tentation que pourrait avoir le gouvernement de limiter ce contrôle grâce à son pouvoir réglementaire élargi. [...]
[...] Une sauvegarde du contrôle de la légalité La loi du 23 mai 1943, qui disposait que l'octroi de la concession ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire, visait vraisemblablement à contourner la résistance qu'opposaient les juges administratifs quant à l'application de la loi de 1940. Le recours de dame Lamotte aurait donc dû être rejeté, car irrecevable, en application de cette loi. Mais le Conseil d'Etat ne retint pas cette solution. En effet, afin de protéger l'administré de l'arbitraire de l'administration, le Conseil d'Etat a affirmé que toute décision administrative peut faire l'objet, même sans texte, d'un recours pour excès de pouvoir. [...]
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