En l'espèce, un détenu âgé de 20 ans est dans une cellule qu'il partage avec deux autres détenus. L'un de ses codétenus menace un gardien d'incendier la cellule s'il n'est pas déplacé. Le gardien n'exécutant pas son déplacement, le codétenu met le feu à la cellule. L'alerte est donnée mais les détenus périssent. Les parents saisissent le tribunal administratif de Versailles pour une action indemnitaire contre l'Etat. Le tribunal administratif de Versailles dans un jugement rendu le 18 mai 2004 accueille la demande des parents mais sur le fondement du risque spécial que l'administration a fait courir au détenu en l'incarcérant avec deux autres détenus dans une cellule de 9 m² et non sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'Etat.
Par voie de conséquence, les parents et le garde des Sceaux interjettent appel.
La Cour administrative d'appel confirme le jugement rendu par le tribunal administratif mais opère une substitution de fondement et retient la responsabilité de l'Etat pour cumul de fautes simples. Suite à cette décision, le garde des Sceaux se pourvoit en cassation au motif que la responsabilité de l'Etat ne peut être retenue en l'absence de faute lourde.
Le problème ainsi posé aux juges du Conseil d'Etat est de savoir si la responsabilité de l'Etat peut-elle être engagée suite à un incendie provoqué par un détenu dans une cellule ayant entraîné la mort de deux autres détenus ? Autrement dit et plus largement, il s'agit de savoir si la responsabilité de l'Etat peut être retenue pour faute simple.
[...] Par conséquent, le Conseil d'Etat va opérer un revirement de jurisprudence Un assouplissement au XXIe siècle des conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat : la suffisance d'une faute simple Il faut attendre une décision du Conseil d'Etat rendu le 23 mai 2003 dans l'affaire Mme Chabba pour voir abandonner l'exigence d'une faute simple. En effet, la responsabilité de l'Etat est engagée pour faute simple dans le cas du suicide d'un détenu. Cette jurisprudence sera confirmée par trois arrêts dont celui étudié. Tout d'abord, l'arrêt rendu le 9 juillet 2007 par le Conseil d'Etat dans l'affaire M. Delorme qui confirme la suffisance de la faute simple. [...]
[...] Arrêt du Conseil d'Etat rendu le 17 décembre 2008 : Gardes des Sceaux Zaouiya Le milieu pénitencier est l'objet de nombreux débats concernant les conditions de détention notamment. C'est pourquoi le juge administratif tente progressivement d'accentuer son contrôle sur l'organisation, la gestion et la surveillance des centres pénitenciers opérées par l'administration. Aussi depuis quelques années, il réduit le nombre de mesures d'ordre intérieur afin d'élargir le domaine de recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre ces actes administratifs. Dorénavant, le juge tente également de sanctionner plus sévèrement l'Etat en cas de défaut dans la gestion ou la surveillance des centres pénitenciers. [...]
[...] Le rejet définitif (ou presque) de l'exigence d'une faute lourde Il est possible de s'interroger sur le fait de savoir si le rejet de l'exigence d'une faute lourde est définitif ou non. En effet, l'arrêt en l'espèce a été rendu dans une formation ordinaire du Conseil d'Etat et il est récent. Par conséquent, il faut attendre une décision d'une plus haute formation du Conseil d'Etat pour valider de manière définitive le rejet de la responsabilité de l'Etat uniquement pour faute lourde. Mais tout laisse à penser que cette décision sera confirmée. [...]
[...] Enfin, il a été relevé que les gardiens ne disposaient pas de matériel pour lutter contre l'incendie. Il peut être aussi relevé une infraction à l'article D du Code de procédure pénal selon lequel le détenu âgé de moins de 21 ans doit être placé en isolement la nuit. Ainsi, un cumul de fautes simples est établi à l'encontre de l'Etat et par conséquent la première condition de mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat est remplie. Qu'en est-il des deux autres conditions de mise en œuvre de la responsabilité ? [...]
[...] La responsabilité de l'Etat engagée suite à un cumul de fautes simples dans l'exécution d'un service public Dans cet arrêt, la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement d'un cumul de fautes simples. En effet, toutes les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat sont réunies Cette décision met fin aux tâtonnements de la jurisprudence en matière de responsabilité de l'Etat pour faute A. La réunion des conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat Afin de mettre en œuvre la responsabilité de l'Etat, il faut la réunion de trois conditions : la caractérisation d'un cumul de fautes simples un préjudice subit et un lien de causalité entre les fautes et le préjudice établi La caractérisation d'un cumul de fautes simples La faute est définie comme un comportement non conforme au comportement normal de quelqu'un de raisonnable. [...]
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