L'action administrative ne saurait se résoudre en une simple application par l'administration des normes édictées par les autorités supérieures dans le cadre du principe de légalité. Ces dernières n'ont pu envisager, en effet, toutes les situations concrètes auxquelles l'administration sera confrontée, qui devra disposer d'une certaine marge de manœuvre pour adapter ses décisions en fonction des circonstances.
Une distinction fondamentale doit être établie entre les hypothèses où l'administration dispose, pour prendre ses décisions, d'une compétence liée, et celles où elle dispose d'un certain pouvoir discrétionnaire. Une autorité administrative dispose d'un pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a la faculté de choisir entre plusieurs décisions, qui sont toutes conformes à la légalité : elle reste donc libre d'apprécier en opportunité, en fonction des circonstances, la solution qui lui parait le mieux adaptée. L'administration est en situation de compétence liée lorsqu'elle est tenue d'agir dans un sens déterminé, sans possibilité d'appréciation où de choix.
Même dans les cas où l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire, elle ne décide pas, pour autant, de manière arbitraire : l'action administrative est toujours subordonnée au respect des règles de compétence, et à l'exigence que le but poursuivi ait un caractère d'intérêt général.
La distinction du pouvoir lié et de la compétence discrétionnaire commande la distinction entre contrôle restreint et contrôle normal. En effet, lorsque l'administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire, le contrôle du juge sera « restreint ». Mais cela ne signifie pas que le juge ne puisse exercer aucun contrôle de l'appréciation des faits : le contrôle de l'appréciation de l'erreur manifeste tend ainsi à se généraliser à pratiquement tous les cas de contrôle restreint. La tendance observée au cours de ces dernières décennies est en effet à un approfondissement du contrôle du juge, qui, dans certaines matières, est passé d'un contrôle restreint, limité à l'erreur manifeste d'appréciation, à un contrôle normal où il est procédé au contrôle de l'appréciation des faits dans toute sa plénitude.
Dans l'arrêt étudié, relatif au contentieux de l'interdiction des publications étrangères, le Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation interdit la circulation, la distribution et la mise en vente d'une publication étrangère, le journal « Signal », sur l'ensemble du territoire français. Le Ministre se fonde sur l'art.14 de la loi du 29 juillet 1881, modifiée par un décret en date du 6 mai 1939, considérant que la diffusion de la publication
« Signal » est en mesure de porter atteinte à l'ordre public du fait de son orientation nationale-socialiste .Saisi par la société des Editions les Archers, le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de cet arrêté .Le Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation fait alors appel de ce jugement.
Comment le juge a-t-il procédé à l'appréciation de la marge d'opportunité laissée à l'administration dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire ? Quelle est l'étendue, en l'espèce, du contrôle du Conseil d'Etat sur la décision du Ministre ?
Le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté pour vice des motifs, considérant que le motif du risque que « Signal » ferait courir à l'ordre public est considéré comme « entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ».
Afin de répondre aux questions précédemment posées, nous verrons que le contrôle de légalité des actes pris par l'administration est déterminé par l'étendue du pouvoir discrétionnaire dont dispose l'administration (I) ; nous étudierons par la suite les mécanismes juridiques qui permettent au juge d'imposer la légalité à l'administration (II).
[...] On peut également considérer que le Conseil d'Etat a pris en considération la proclamation de la liberté d'expression résultant des dispositions de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Le juge sera donc amené à exercer une appréciation casuistique de chaque acte lui étant soumis dans le cadre du contrôle de légalité des dispositions prises pas le pouvoir discrétionnaire. L'appréciation par le juge de la compétence discrétionnaire de l'administration découle de la volonté de garantir une sécurité juridique. Etant compétent afin de se prononcer sur les motifs des mesures prises par les autorités administratives, le juge exerce un contrôle minimum sur la légalité interne et externe de l'acte. [...]
[...] Quelle est l'étendue, en l'espèce, du contrôle du Conseil d'Etat sur la décision du Ministre ? Le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté pour vice des motifs, considérant que le motif du risque que Signal ferait courir à l'ordre public est considéré comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation Afin de répondre aux questions précédemment posées, nous verrons que le contrôle de légalité des actes pris par l'administration est déterminé par l'étendue du pouvoir discrétionnaire dont dispose l'administration ; nous étudierons par la suite les mécanismes juridiques qui permettent au juge d'imposer la légalité à l'administration (II). [...]
[...] Il ne peut en aucun exercer un contrôle sur l'opportunité de l'acte. Même si, désormais, de nombreux domaines sont soumis au contrôle restreint effectué par le biais de l'EMA, le juge n'en use qu'avec prudence, ce qui manifeste de sa volonté de ne pas entraver la liberté d'appréciation laissée à l'administration. L'absence d'adéquation ente l'interdiction de publication de la revue Signal et la menace d'ordre public qu'elle pourrait représenter. Le Conseil d'Etat annule l'arrêté ministériel du 3 juillet 1979 pour vice de motifs. [...]
[...] Cette évolution jurisprudentielle peut-être expliquée par l'introduction en droit interne de la Convention européenne des droits de l'homme dont l'article 10 garantit la liberté d'expression. Ainsi, dans son arrêt en date du 17 juillet 2001 Association Ekin c. [...]
[...] Le juge procédera désormais à un contrôle limité de la qualification juridique des faits par le biais de la procédure de l'erreur manifeste d'appréciation (EMA). Le passage du contrôle restreint au contrôle normal sera confirmé par de nombreuses décisions jurisprudentielles, lesquelles entraînent une étendue du droit de regard du juge en matière de contrôle du pouvoir discrétionnaire de l'administration. II). L'exercice d'un contrôle restreint par le juge et son évolution La consécration par le juge du contrôle restreint se manifeste par l'application du mécanisme de l'EMA. [...]
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