En l'espèce, la Société Tropic Travaux Signalisations avait déposé sa candidature pour un marché pour le marquage des aires d'avions de l'aéroport de Pointe-à-Pitre, proposé par la Chambre de commerce et d'industrie de cette ville. Sa candidature a été rejetée, et le marché a finalement été attribué à la Société Rugoway. La Société Tropic a demandé à la Chambre de commerce et d'industrie de suspendre sa décision, ce qu'elle a refusé.
La Société Tropic a alors saisi le juge des référés de Basse-Terre, afin qu'il statue sur le rejet de l'offre, la décision d'accepter la candidature de marché de la Société Rugoway, la décision de la Chambre de commerce et d'industrie de signer le marché, et le marché lui-même. Le juge des référés a refusé, et la Société Tropic a formé un pourvoi en cassation, qui a tranché le litige en assemblée sur les conclusions conformes du commissaire du gouvernement Casas.
Dès lors, plusieurs questions se posaient : les décisions de la Chambre de commerce et d'industrie sont-elles légales ? La Société Tropic, tiers évincé du contrat administratif, peut-elle contester ces décisions et le marché lui-même dans le cadre d'un recours de pleine juridiction ?
[...] Ici, il réitère : le recours ci-dessus défini ne pourra être exercé qu'à l'encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à cette date En effet, quand il s'agit de critiquer des contrats, une question délicate se soulève toujours : l'impératif de la sécurité juridique, érigé en principe général du droit par le Conseil d'État dans ce même arrêt KPMG. On comprend bien qu'une atteinte excessive à la sécurité juridique aurait été portée si, au lendemain de l'arrêt Société Tropic, tous les contrats administratifs pouvaient être critiqués par les tiers Le juge administratif affirme donc ici clairement sa volonté de protéger les relations contractuelles antérieures : eu égard à l'impératif de sécurité juridique tenant à ce qu'il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours La solution retenue dans l'arrêt Société Tropic est donc justifiée à tous les points de vue, et elle permet une situation équilibrée à la fois pour les tiers évincés des contrats administratifs et pour les parties au contrat, bien que cette solution n'ait pas bénéficié au requérant, dont la requête a été rejetée à défaut de preuves suffisantes de l'illégalité du marché passé entre la chambre de commerce et d'industrie et la Société Rugoway. [...]
[...] L'admission de recours contre les contrats administratifs On constate ici que la jurisprudence n'a pas bougé sur ce point : les tiers peuvent former des recours contre les contrats administratifs, et non seulement contre les actes unilatéraux qui en sont détachables ou contre leurs clauses réglementaires. En effet, depuis l'arrêt du Conseil d'État du 30 octobre 1998 Ville de Lisieux, le juge administratif admet que les tiers puissent former des recours en excès de pouvoir contre des contrats administratifs. Cette évolution a été complétée par le législateur, comme on l'a vu en introduction, avec la procédure du référé pré-contractuel, puis du référé contractuel (article L. 551-13 et suivants du Code de justice administrative). [...]
[...] Les intérêts particuliers ainsi que les intérêts généraux sont donc particulièrement bien protégés par cette nouvelle possibilité de recours. Par ailleurs, et pour des impératifs de sécurité juridique, le Conseil d'État a ici pris la décision de moduler dans le temps les effets de ce revirement jurisprudentiel. La modulation dans le temps des effets de l'arrêt Le Conseil d'État avait déjà auparavant décidé de différer les effets de sa jurisprudence dans le temps, notamment dans l'arrêt Société KPMG du 24 mars 2006. [...]
[...] Par ailleurs, le Conseil d'État a pris soin de poser des limites aux délais pour introduire un recours contre le contrat et ses actes détachables. La fermeture de ce recours après la signature du contrat Pour des impératifs de sécurité juridique, notamment, le juge administratif a ici choisi d'interdire aux tiers, à partir du moment où ils disposent du plein contentieux contre un contrat administratif, d'introduire parallèlement un recours en excès de pouvoir contre les actes unilatéraux détachables du contrat à partir de la conclusion de celui-ci : à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables Cela permet de simplifier les recours pour les tiers, qui doivent donc choisir entre un recours de plein contentieux dirigé contre le contrat lui-même ou un recours en excès de pouvoir dirigé contre les actes détachables du contrat. [...]
[...] La recevabilité du recours d'un tiers Si les tiers ont probablement toujours critiqué les contrats administratifs dont ils n'étaient pas parties, le juge administratif n'a commencé à recevoir leurs recours qu'à partir de 1905, dans l'arrêt du Conseil d'État Martin. En effet, pendant longtemps, il semblait difficilement admissible de permettre à des tiers à un contrat de pouvoir le critiquer, voire demander au juge de le corriger. Mais doucement, la jurisprudence a évolué. Au départ, les seuls recours recevables étaient ceux dirigés contre les actes unilatéraux détachables du contrat, puis contre les clauses réglementaires du contrat, depuis l'arrêt d'assemblée du 10 juillet 1996, Cayzeele. [...]
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