Conseil d'État 16 avril 2015, affaire société Grasse Boulange, arrêt Commune Morsang-sur-Orge, interdiction du burkini, ordre public, article L521-1 du Code de justice administrative, dignité humaine, CRAN Conseil Représentatif des Associations Noires, imagerie colonialiste, police administrative, référé, tribunal administratif
La mission de la police administrative est de faire respecter l'ordre public, où l'autorité compétente doit adopter des mesures nécessaires afin de maintenir traditionnellement la tranquillité, la salubrité et la sécurité publique, en prévention : la répression, elle, en cas d'infraction, est du ressort de la police judiciaire. Parmi les composantes de l'ordre public que l'administration doit protéger, un nouvel aspect est apparu ces dernières décennies, la dignité de la personne humaine, son atteinte doit être empêchée par l'usage de mesures de police administrative (Conseil d'État, 1995, Commune de Morsang-sur-Orge), y compris par des mesures d'urgence décidées par le juge des référés si les conditions sont réunies. C'est la question qui a été posée dans l'affaire "Société Grasse Boulange" réglée par le Conseil d'État dans une décision du 16 avril 2015.
[...] Avec des considérations quelque peu hâtives et personnelles, car en droit positif, bien que la moralité et la dignité soient des notions proches, les juges ne les confondent pas du tout. On ne peut prendre l'une pour l'autre. Néanmoins, étant donné que le Conseil d'État a déjà validé en 1959 l'idée qu'une image (cinématographique) pouvait porter atteinte à l'ordre public (moral), dans son arrêt « Société des Films Lutetia », peut-être aurait-il été pertinent d'adopter cette jurisprudence au cas d'espèce, car il s'agit tout de même d'une image dégradante exposée en public, qui ne se justifie par aucune tradition culinaire locale. [...]
[...] Ainsi, dans le cadre d'une procédure de référé, le Conseil d'État considère que les conditions nécessaires pour mettre fin à une potentielle illégalité ne sont pas réunies. Par conséquent, il n'y a pas d'atteinte à la dignité de la personne humaine qui serait en l'espèce susceptible de menacer l'ordre public de façon grave, certaine et urgente, ce qui seul justifierait de mesures conservatoires décidées par le juge en référé. Il convient d'étudier à présent la définition variable de la protection de la dignité de la personne humaine en droit administratif (II). II. [...]
[...] C'est la question qui a été posée dans l'affaire « Société Grasse Boulange » réglée par le Conseil d'État dans une décision du 16 avril 2015. En l'espèce, une société de pâtisserie « Grasse Boulange » expose chaque année à Grasse, dans la vitrine de la boulangerie, deux figurines de forme humaine en ganache recouverte de chocolat noir qui sont nommées « A . et Déesse ». Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) voit plutôt dans cette exposition une atteinte grave à la liberté individuelle, à la laïcité et à l'ordre public, mais plus particulièrement à la dignité de la personne humaine. [...]
[...] Pourtant, l'atteinte à la dignité humaine n'est donc pas reliée à une personne physique, mais à une idéologie ancienne, à une perception des choses qui n'est pas constitutive d'une infraction en tant que telle. Ainsi, le Conseil d'État conclut qu'il n'y a pas atteinte à la dignité de la personne humaine dans ce cas d'espèce. B. L'absence d'illégalité manifeste dans l'abstention des autorités de police administrative Le référé demande une situation d'urgence où l'illégalité de l'action (ou de l'abstention) des autorités administratives est flagrante. [...]
[...] La position du juge de première instance est importante, car il est à même de connaître les circonstances locales qui pourraient justifier d'une menace au maintien de l'ordre public, comme cela a été montré dans les récentes affaires en référé concernant l'interdiction du port du « Burkini » dans le sud de la France pendant l'été 2016. Étant donné que les risques pour l'ordre public s'apprécient concrètement d'un point de vue local, cela aurait pu être l'objet d'un « considérant » du Conseil d'État. Cependant en l'absence d'une telle mention, il semble que la situation à Grasse ne justifie pas particulièrement d'une interdiction de ces figurines à caractère colonialiste, voire raciste, dans les vitrines de boulangerie. B. [...]
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