Conseil d'Etat 14 octobre 2020, arrêt Association Qualisis et autres, liberté du commerce et de l'industrie, droit de la concurrence, décret du 8 octobre 2018, article 34 de la Constitution, collectivités territoriales, abus de position dominante, arrêt Département de Corrèze, arrêt 102 du TFUE, arrêt Million et Marais, commentaire d'arrêt
L'association Qualisis, la Société système et télécommunications, la Société d'informatique et de systèmes et la Société d'informatique Midi-Pyrénées industries demandent l'annulation d'un décret du 8 octobre 2018 portant création de l'Agence du numérique de la sécurité civile. Le décret institue un nouvel établissement public administratif agissant en qualité de prestataire de services de l'État, au profit des services d'incendies et de secours et de tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans le domaine de la sécurité civile. Le Conseil d'État (CE) a été saisi en vue de l'annulation de ce décret, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrée les 7 décembre 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du juge administratif suprême.
[...] En effet, ce contrôle de légalité concurrentiel procédé par le juge administratif a été réaffirmé dans l'arrêt Département de Corrèze précité dont la formule : « qu'une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissants sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci » est reprise dans l'arrêt du 14 octobre 2020 (considérant 9). L'arrêt Million et Marais du 3 novembre 1997, a été l'acte de naissance de l'opposabilité du droit de la concurrence devant le juge administratif. [...]
[...] Le CE relève ainsi qu'un motif d'intérêt public, permettant une meilleure réalisation des missions de service public dans le domaine de la sécurité civile, et ce, à moindre coût, légitime l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. En effet, les services d'incendie et de secours avaient, concernant leur système de gestion des alertes et de gestion opérationnelle, un « niveau technologique très inégal » (considérant 10). La formule utilisée par le juge administratif « à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée. [...]
[...] En effet, il résulte des règles du TFUE, notamment de son article 106 que les opérateurs publics sont soumis aux règles de concurrence. Sur ce point, l'arrêt Hofner de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 23 avril 1993 précise ce que l'on doit entendre par la notion d'entreprise. Elle concerne toute entité exerçant une activité économique indépendamment de son statut et de son mode de financement. La Cour a une interprétation large de la notion, et l'étend à toute activité consistant à offrir des biens ou services sur un marché. [...]
[...] En effet, la liberté du commerce et de l'industrie a été forgée par le CE depuis le début du XXe siècle. La jurisprudence Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (30 mai 1930) affirme expressément que les entreprises à caractère commercial restent en principe réservées à l'initiative privée. D'une part, cette liberté implique le principe selon lequel les personnes privées ne doivent pas être concurrencées par les personnes publiques dans leurs activités économiques. D'autre part, cette liberté implique que les entreprises ont le droit d'exercer leurs activités sans subir de restrictions excessives émanant des personnes publiques. [...]
[...] Il était question de savoir si un dispositif départemental de téléassistance portait atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie. En l'espèce, le CE a reconnu que la création de ce service n'était pas contraire au principe de liberté du commerce et de l'industrie, en ce que le département intervenait en réduction du coût réel de la prestation pour les usagers. Cet arrêt relève qu'il n'y a plus besoin d'une carence privé pour justifier une intervention économique publique. [...]
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