Certains actes, tels ceux qui assurent la protection de fonctionnaires, ne peuvent être assortis de conditions : ils créent des droits purement et simplement. Le CE s'est employé a rappeler et appliquer ce principe dans le cadre de son contrôle des actes administratifs unilatéraux. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait dans l'arrêt du 14 mars 2008.
Dans l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 14 mars 2008, était en cause une décision du ministre de la Défense décidant de retirer l'aide financière fournie à un militaire, M. Portalis, pour que ce dernier se défende en justice. En effet, Monsieur Portalis a été mis en examen dans le cadre d'une information pour prêt illégal de main d'oeuvre, escroquerie et corruption en rapport avec des marchés d'approvisionnement de la direction des constructions navales. Le ministre de la Défense a alors accordé à M. Portalis la protection de l'Etat pour lui permettre d'assurer sa défense devant le Tribunal de grande instance de Marseille et ce, en application de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires. Cette décision a été prise le 26 juillet 2001. Le ministre avait précisé dans la décision précitée que « l'Etat serait fondé à [...] demander [à l'officier] le remboursement des sommes engagées par l'Administration pour sa défense si, par une décision devenue définitive, une juridiction pénale venait à établir une faute personnelle dans les faits qui ont motivé sa mise en examen ». Il s'agit ici d'une mention résolutoire. Or, Monsieur Portalis a été condamné par le Tribunal de grande instance de Marseille le 8 octobre 2004 pour corruption passive. Le ministre de la Défense a alors retiré à M. Portalis la protection de l'Etat dans une décision du 18 novembre 2004, dans la mesure où il aurait commis des fautes personnelles. Le ministre lui a alors demandé de supporter la charge entière des frais exposés pour sa défense. M. Portalis, par voie de recours administratif préalable, a demandé au ministre d'annuler sa décision du 18 novembre 2004. Il s'est vu opposer un nouveau refus, le 30 mai 2005. M. Portalis a saisi le CE afin que soit annulée cette décision de retrait du 18 novembre 2004, lui demandant de rembourser les sommes engagées par l'administration pour sa défense.
[...] Portalis au motif que ce dernier a commis les faits qui lui sont reprochés et que cela est dû à une faute personnelle de sa part, alors le ministre sera en droit de lui demander le remboursement des sommes engagées par l'administration pour sa défense. Or, c'est bel et bien ce qui va se produire : M. Portalis est condamné par le TGI. Le ministre décide alors de demander le remboursement des sommes engagées et accordées à M. Portalis pour financer son procès. Toute la question est ici de savoir si le ministre avait le droit d'insérer une telle mention résolutoire dans sa toute première décision (celle du 26 juillet 2001). [...]
[...] Portalis ne pouvait se faire de façon rétroactive. Le retrait est donc exclu mais l'abrogation aurait été possible A. Un retrait ne respectant pas les conditions posées par l'arrêt Ternon Le Conseil d'État établit clairement qu'une décision créatrice de droits accordant la protection de l'État ne peut être légalement retirée plus de quatre mois après sa signature, hormis dans l'hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude c'est-à-dire illégalement, en utilisant des procédés déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu. [...]
[...] Mais, même quand il y a maintien en l'état de l'ordonnancement juridique, il peut tout de même y avoir une décision qui maintient en l'état cet ordonnancement. On a donc une décision de confirmation (l'auteur veut confirmer telle ou telle règle, il n'y a pas de règle nouvelle, mais c'est bien une manifestation de volonté) ou alors une décision de refus (qui ne change pas l'état du droit existant, mais qui traduit une manifestation de volonté, d'où le fait qu'il s'agisse d'une décision). Dans tous ces cas, la décision va s'imposer au destinataire même si celui-ci n'y consent pas : c'est bien un acte unilatéral. [...]
[...] Autrement dit, c'est au regard de ces considérations que le juge administratif s'est prononcé sur la possibilité pour le ministre d'inclure dans sa décision une mention résolutoire. B. L'interdiction posée par les juges d'assortir les décisions explicites créatrices de droits de conditions résolutoires Nous avons vu que la décision du 26 juillet 2001 par laquelle le ministre a accordé à M. Portalis la protection de l'État est une décision individuelle explicite créatrice de droits ce qui engendre un certain nombre de conséquences, cette décision ne pouvant notamment pas être assortie d'une condition suspensive ou résolutoire. [...]
[...] Les juges font, dans l'arrêt du 14 mars 2008, application de la jurisprudence Ternon dans la mesure où, puisque la décision contestée (celle du 30 mai 2005) vient retirer une mesure individuelle créatrice de droit (celle du 26 juillet 2001), il y a retrait. Or, le retrait de la mesure ne pouvait intervenir, en application de cette jurisprudence, que 4 mois après la prise de décision. Or, ici, le retrait est intervenu presque 4 ans après Le délai de retrait accordé au ministre étant dépassé, celui ne pouvait prendre une telle décision le 30 mai 2005. [...]
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