André Portalis, militaire de carrière, avait été mis en examen pour « prêt illégal de main-d'oeuvre, escroquerie et corruption en rapport avec des marchés d'approvisionnement de la direction des constructions navales ». Il avait alors sollicité la protection de l'État pour lui permettre d'assurer sa défense devant le Tribunal de grande instance de Marseille, et ce en application de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires.
Le 26 juillet 2001, le ministre de la Défense lui avait accordé la protection de l'État en assortissant sa décision d'une mention énonçant que « l'État sera fondé à [...] demander [à l'officier] le remboursement des sommes engagées par l'administration pour sa défense si, par une décision devenue définitive, une juridiction pénale venait à établir une faute personnelle dans les faits qui ont motivé sa mise en examen ».
Le 8 octobre 2004, le Tribunal de grande instance de Marseille a reconnu coupable et condamné M. Portalis pour des faits de corruption passive.
Pour rendre sa décision, le Conseil d'Etat a dû répondre à la question suivante : le ministre de la Défense avait-il compétence pour retirer à Mr Portalis la protection de l'Etat et l'obliger à supporter les frais déjà engagés dans la procédure ? Le Conseil d'État a annulé la décision du 30 mai 2005 par laquelle le ministre avait retiré la protection de l'Etat à Mr Portalis. De plus, la Haute juridiction a également décidé que les frais de la défense de ce dernier devant la juridiction marseillaise resteraient à la charge de l'Etat.
Le Conseil d'Etat a considéré que la décision du 26 juillet 2001, décision créatrice de droits, ne pouvait nullement être assortie d'une condition suspensive ou résolutoire (I). En outre, la Haute juridiction a énoncé la possibilité d'une abrogation sous condition de cette décision mais a, en revanche, considéré que le retrait de la décision était désormais impossible (II).
[...] C'est dans cette hypothèse de la fraude que l'auteur de l'acte peut déroger à la règle du délai des quatre mois posés antérieurement par l'arrêt Ternon. En pratique, si la preuve de la fraude est rapportée, l'auteur de la décision pourra la retirer même si se sont déjà écoulés quatre mois depuis sa signature. L'hypothèse de l'obtention de la décision par fraude a donc pour effet de prolonger le délai durant lequel le retrait est possible et ce au point qu'il n'y ait alors plus de délai. [...]
[...] Ainsi, en ne se bornant pas à énoncer uniquement l'interdiction d'insérer une condition résolutoire (comme ce fût le cas en l'espèce) dans telle décision créatrice de droits, le Conseil d'Etat a considérablement élargi la portée de cette interdiction. Le ministre de la Défense ne pouvait nullement assortir sa décision d'une condition suspensive ou résolutoire. Il pouvait refuser d'accorder la protection de l'Etat à Mr Portalis (en cas de faute personnelle de ce dernier) mais, dans l'hypothèse où il décidait de la lui accorder, il ne pouvait pas suspendre cette décision à une condition suspensive ou résolutoire. [...]
[...] C'est à cette seule condition que la décision créatrice de droits pourra alors être abrogée. De plus, le Conseil d'Etat précise bien que cette constatation de la faute personnelle du militaire doit être effectuée par le juge, ce qui implique que le ministre n'avait pas le droit de constater, par lui-même, après avoir pris sa décision, l'existence d'une faute personnelle imputable au militaire. Il ne pouvait procéder à cette constatation par lui-même ou, tout du moins, cette constatation ne pouvait en aucun cas lui donner la compétence d'abroger l'acte. [...]
[...] ) il a accordé la protection, il peut mettre fin à celle-ci pour l'avenir s'il constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l'existence d'une faute personnelle Il ressort des termes utilisés par la Haute juridiction que le ministre disposait (au moment de la décision) et dispose toujours de la possibilité d'abroger la décision du 26 juillet 2001. L'abrogation peut être définie comme la suppression d'une règle qui cesse ainsi d'être applicable pour l'avenir. En effet, en cas d'abrogation, les effets produits antérieurement par l'acte sont maintenus. L'abrogation peut être totale ou partielle, explicite ou implicite. Il y aura abrogation implicite lorsque l'administration prend un nouvel acte administratif incompatible avec un acte administratif préexistant. [...]
[...] S'agissant du recours pour excès de pouvoir exercé contre les décisions individuelles, il convient de préciser que ce délai va déprendre de la qualité du requérant. Si le requérant est la personne à laquelle s'applique la mesure, le délai de deux mois commencera à courir à compter de la notification. En revanche, lorsque le requérant est un tiers, le délai de deux mois ne commencera à courir qu'à compter de la publication ou de l'affichage de l'acte. Le Conseil d'Etat, dans un arrêt d'assemblée en date du 6 mai 1966, Ville de Bagneux, a d'ailleurs précisé que, lorsque l'acte n'a pas été publié, le délai de recours n'a pas commencé à courir à l'égard des tiers et l'acte, qui n'a pas acquis de caractère définitif, peut être retiré, s'il est illégal, à tout moment. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture