La disparition d'un acte administratif peut résulter de l'action de deux autorités différentes : le juge administratif et l'administration elle-même. Lorsque la sortie de vigueur est recherchée par l'administration, elle peut être de deux types : non rétroactive, c'est l'abrogation, et rétroactive, c'est le retrait. Cela donne lieu à de sérieux contentieux. L'arrêt de section du Conseil d'Etat rendu le 14 mars 2008, “M. André Portalis” en est d'ailleurs l'illustration.
En l'espèce, une décision accorde à un militaire mis en examen par la justice pénale, la protection de l'Etat pour lui permettre d'assurer sa défense devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Marseille. Cette décision, prise par le ministre de la Défense le 26 juillet 2001, est assortie d'une mention résolutoire. Cette dernière précisait que si la justice pénale venait à établir une faute personnelle du militaire dans les faits reprochés, l'Etat serait en droit de demander un remboursement des frais engagés pour sa protection.
[...] Alors le ministre ne dispose que du retrait, qui suppose ne pas avoir dépassé les quatre mois de délai, ou de l'abrogation, qui est aisément mise en oeuvre : il est logique que le Ministre ait dû choisir l'abrogation. En effet, l'abrogation est par définition valable pour l'avenir uniquement. Ainsi elle est valable pour tous les actes, réglementaires ou non, dès lors qu'ils sont créateurs de droit. En cas d'abrogation, les effets produits par l'acte ne sont pas remis en cause. Elle peut être totale ou partielle. [...]
[...] Ces deux principes sont vraiment deux piliers du droit administratif. Le juge administratif a donc cherché a concilier ces deux préoccupations majeures : permettre à l'administration de retirer des décisions administratives lorsque celles-ci sont illégales, et préserver le principe de sécurité juridique lorsque ces décisions ont créé des droits pour les administrés. Cette conciliation a constamment réduit le champ d'application du retrait depuis la jurisprudence “Dame Cachet”. À tel point qu'aujourd'hui, l'administration peut accorder des droits à tort sans pouvoir réparer sa faute. [...]
[...] En effet, il est fort probable que le délai Ternon soit grandement dépassé lorsqu'il apparaîtra après un jugement que la décision créatrice de droit a été prise à tort. Qui plus est, dans la plus part des cas, l'administration ne peut s'arroger d'exercer le retrait dans le cadre d'une action récursoire : preuve en est avec l'arrêt André Portalis”. Peut-être est-ce une façon de rééquilibrer l'asymétrie opposant l'administration à l'administré ? Peut-être est-ce une façon de limiter les pouvoirs de l'action administrative ? [...]
[...] Cependant, il a tout de même tenu à retirer l'acte par les décisions du 18 novembre 2004 et du 30 mai 2005. Il apparaît donc que le retrait voulu par le Ministre soit entaché d'illégalité. Il en va du principe de la sécurité juridique. L'unique solution pour le Ministre de mettre légalement un terme à sa décision, par ailleurs illégale, aurait été la sortie de vigueur non rétroactive : l'abrogation. Il apparaît alors que le retrait de la décision illégale du 26 juillet 2001 soit lui-même illégal : il a été opéré au-delà des quatre mois de délai. [...]
[...] Autrement dit, dans quelle mesure l'administration peut-elle retirer un acte administratif créateur de droit ? Le Conseil d'Etat, dans son arrêt de section du 14 mars 2008, André Portalis”, souligne plusieurs choses quant au retrait. Tout d'abord, il dit que soit le Ministre de la Défense refuse d'accorder la protection de l'Etat à un officier s'il croit en la faute personnelle de celui-ci, soit il accepte de l'accorder mais se résout à l'abroger ou à la retirer dans les quatre mois après l'entrée en vigueur de la décision d'acceptation. [...]
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