Conseil d'État, 13 juin 2022, Société Immotour, préemption légale, responsabilité, commune, droit de préemption, responsabilité sans faute
Le Conseil d'État, dans une étude du 6 décembre 2007, qualifiait le droit de préemption — qui se définit comme la faculté conférée à une personne d'acquérir, de préférence à toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur aux prix et conditions de la cession projetée — d'« instrument souple, simple, désormais bien ancré dans le paysage juridique des collectivités locales ». Celui-ci observe toutefois que son usage est allé bien au-delà de ce qu'envisageait le législateur lui-même, ce qui a fait perdre au droit de préemption urbain son seul rôle d'instrument d'aménagement, tant est si bien que certaines collectivités territoriales y ont recouru pour des considérations étrangères à l'aménagement proprement dit. Certaines pratiques contraires à la légalité ont suscité la défiance à l'égard de cet instrument, et ont contraint le Conseil d'État à construire un régime de responsabilité pour la commune agissant dans le cadre de ce droit. Ainsi, le Conseil d'État a eu, par une décision du 13 juin 2022, à se prononcer sur la responsabilité de la commune qui renonce à sa décision de préemption légale.
[...] Dès lors, le Conseil admet que la responsabilité sans faute de l'État, de la commune, ou de l'administration puisse être engagée à raison d'actes juridiques réguliers, légaux. C'est également ce qu'il soutient dans la décision Lavaud de 1995. En ce sens, les juges élargissent les cas dans lesquels l'abandon d'une procédure de manière régulière cause un préjudice ouvrant à la victime un droit à indemnité sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques, et ce dans le prolongement de la jurisprudence Couitéas. [...]
[...] Ainsi, le Conseil d'État a eu, par une décision du 13 juin 2022, à se prononcer sur la responsabilité de la commune qui renonce à sa décision de préemption légale. En l'espèce, une société a acquis en 2011 un ancien hôtel pour un montant de d'euros et a adressé à la commune une déclaration d'intention d'aliéner ce bien immobilier. Par une décision du 28 août 2012, le maire a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bien au prix de euros. [...]
[...] D'abord appelé à se prononcer sur l'admission du pourvoi, le Conseil d'État rejette les conclusions dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel en tant qu'il se prononce sur la responsabilité pour faute de la commune, ce qui confirme que la commune n'avait pas ici commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Le Conseil d'État considère, en revanche, qu'il y a lieu de faire droit au pourvoi dirigé contre l'arrêt attaqué en tant qu'il écarte implicitement la responsabilité sans faute de la commune, et cela alors même que le requérant avait fondé sa demande, devant les juges du fond, uniquement sur l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. [...]
[...] Par la suite, la commune a estimé que ce prix était trop élevé et a finalement a renoncé à l'exercice du droit de préemption. Un an plus tard, la société a cédé le bien pour un montant de euros et cela après une adjudication infructueuse de l'hôtel pour un montant de euros. Ici, l'exercice du droit de préemption a eu des conséquences manifestement défavorables pour le vendeur, dans la mesure où l'exercice puis la renonciation de la commune à exercer son droit ont privé la société de la possibilité d'aliéner son immeuble au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ou au prix fixé par le juge de l'expropriation. [...]
[...] DEGOFFE Grands arrêts de la jurisprudence administrative, M. LONG, P. WEIL, G. BRAIBANT Droit administratif général, P. GONOD Droit administratif, J. PETIT, P-L. [...]
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