Conseil d'État, 12 juin 2020, arrêt GISTI, acte de droit souple, recours, excès de pouvoir, jurisprudence, juge administratif, Conseil d'Etat, administration
On distingue les actes administratifs décisoires, ayant pour finalité d'édicter une règle générale ou de prendre une décision relative à l'administré, des actes non décisoires, qui sont inhérents au fonctionnement interne de l'administration. Les actes non décisoires peuvent être de toute forme : communication interne, lettre, note ou encore ligne directrice. Ils ont pour objectif de donner une interprétation commune à toute une administration ou simplement de l'informer d'une volonté. Ces actes, classiquement, ne pouvaient faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Jugés trop insignifiants, de portée nulle ou limitée, ils ne pouvaient donner lieu à un recours, car ils n'étaient que la source des décisions contestables. Toutefois, progressivement, la jurisprudence du Conseil d'Etat a admis un nombre de cas extensif avec le temps dans lesquels le recours pour excès de pouvoir pour les actes non décisoires était ouvert. Mouvement commencé par la jurisprudence Institution Notre-Dame du Kreisker de 1954 puis étoffé avec le temps, le recours est finalement ouvert de plus en plus généralement, jusqu'à l'arrêt GISTI du 12 juin 2020, qui en fixe des règles générales plus précises et opère une synthèse de la jurisprudence.
[...] C'est sans nul doute sur ce point que l'arrêt GISTI est le plus novateur. Non qu'il soit une conséquence directe, mais plutôt qu'il s'inscrive dans un mouvement datant de plus d'un siècle, entamé avec l'arrêt Cadot, et visant à affaiblir l'administration. En ce sens, l'arrêt GISTI est incontestablement un Grand arrêt , car il ouvre les portes de l'administration au juge administratif, portes qui lui étaient jusque-là encore fermées. En pouvant juger de la légalité des communications internes mêmes les plus subtiles à raison d'une condition qu'il se fixe lui-même et qu'il interprète lui-même, le juge administratif se reconnait compétent pour contrôler profondément et presque intimement l'administration. [...]
[...] Ainsi, historiquement, le droit souple n'a pas de rôle juridique clairement établi. Il n'est par ailleurs qu'une théorie sans existence légale ou réglementaire. Il semble donc complexe pour le juge administratif de juger de la légalité d'acte sans valeur. Toutefois, depuis 1950 environ, il est attribué une valeur de fait à ce droit souple, qui est de plus en plus regardé par le juge. Considéré dans un premier temps comme étranger à l'administré, il est de plus en plus regardé comme entraînant des conséquences sur ce dernier. [...]
[...] En effet, la note d'actualité est un mode de communication interne à l'Administration et qui n'a pas de vocation à modifier de son propre fait l'ordonnancement juridique. Le GISTI affirme toutefois que le Conseil d'Etat est compétent pour en juger la légalité. Les juges du Conseil d'Etat doivent donc, avant jugement sur le fond de l'affaire, se demander si un acte de droit souple comme l'est une note d'actualité , peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En effet, la jurisprudence est évolutive et inclut depuis plusieurs décennies de plus en plus d'actes de droit souple dans la source normale du contentieux administratif. [...]
[...] Si le travail de synthèse de la jurisprudence était nécessaire et est louable, l'ouverture massive au contentieux qu'est l'arrêt GISTI pose un certain nombre de questions et de problématiques au juge administratif. Un accroissement probablement excessif des pouvoirs du juge administratif Si l'ouverture de plus en plus large du recours pour excès de pouvoir permet au justiciable même légèrement lésé de se défendre, il s'inscrit surtout dans une dynamique historique d'extension des prérogatives du juge administratif qui devient de plus en plus systématique et handicapante, tant pour le juge administratif que pour l'administration La synthèse extensive du courant de jurisprudence préexistant Comme étudié précédemment, la nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat opère une extension majeure des pouvoirs du juge administratif. [...]
[...] En effet, le premier point reprend les acquis des jurisprudences Fairvesta et Numéricâble, sans réelle avancée majeure. En revanche, dans la deuxième partie de son attendu, le Conseil d'Etat vient rappeler qu'un acte interne peut entraîner des conséquences sur les agents, auquel cas il n'est pas contestable, mais il ouvre la contestation dès lors que cet acte a des conséquences sur les administrés. Cela a pour effet d'ouvrir massivement le recours pour excès de pouvoir. Le premier exemple, ce sont les faits de l'espèce. [...]
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