Conseil d'État, 12 février 1960, arrêt Société Eky, DDHC Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, préambule de la Constitution de 1946, REP Recours pour Excès de Pouvoir, article 4 du Code pénal, législateur, acte administratif, théorie de la loi-écran, valeur constitutionnelle, abrogation implicite
La société Eky, requérante, forme un REP devant le Conseil d'État afin d'obtenir l'annulation de dispositions du Code pénal issues du décret du 23 décembre 1958, au moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire. Elle fonde son moyen, d'une part, sur une interprétation étroite de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC), conduisant à considérer que seul le législateur est compétent en matière pénale, et d'autre part, sur l'article 4 du Code pénal de 1810 prévoyant la compétence exclusive du législateur en matière de contravention. En défense, il est conclu au rejet de la requête au moyen tiré d'une contrariété entre la loi ancienne et l'article 34 de la Constitution qui limite la compétence du législateur aux seules matières criminelle et délictuelle.
[...] Entre 1960 et 2005 > Quelques applications marginales de la théorie de l'abrogation implicite de la loi par la Constitution nouvelle. En l'espèce > La contrariété manifeste et indéniable entre la disposition législative ancienne et la nouvelle Constitution semble expliquer la position du CE (d'un côté la loi exclut la compétence du pouvoir réglementaire et de l'autre, la Constitution exclut la compétence du législateur dans le même domaine). Mais le contexte semble aussi avoir son importance pour éclairer cette position L'utilisation contextuelle de la théorie de l'abrogation implicite de la loi « Ni cet article ni aucune autre disposition de la Constitution ne prévoit que la matière des contraventions appartient au domaine de la loi » ; « la matière des contraventions relève du pouvoir réglementaire par application des dispositions de l'article 37 de la Constitution » Contexte : Moins de 2 ans après l'adoption de la Constitution de la Vème République / Objectif de la nouvelle Constitution > Repenser la séparation des pouvoirs et affaiblir le Parlement pour éviter de reproduire les erreurs des IIIe et IV République. [...]
[...] Intérêt de ce mécanisme aujourd'hui avec la QPC ? > La QPC présente les avantages d'un effet erga omnes, et d'un contrôle de conformité et non de compatibilité. Pour autant, l'abrogation implicite n'a pas perdu toute utilité. En effet, le vice d'incompétence négative (cas où le législateur n'épuise pas l'intégralité de sa compétence et laisse le pouvoir réglementaire agir à sa place) ne peut être invoqué à l'encontre des dispositions législatives antérieures à la disposition constitutionnelle prévoyant la compétence législative. [...]
[...] Avec l'intégration de la Charte de l'environnement dans le bloc de constitutionnalité, le domaine de compétence du législateur dépasse celui de l'art (la charte donne des compétences au législateur en matière environnementale). Si le vice d'incompétence négative n'est pas recevable en QPC contre toutes les lois antérieures et incomplètes en matière environnementale, reste la possibilité de demander l'annulation d'un acte administratif en contestant la contrariété de la disposition législative sur laquelle il est fondé au regard des dispositions de la Charte. [...]
[...] De fait, en considérant que l'article 34 déroge à l'article 8 de la DDHC, le CE considère ce dernier comme une véritable règle. D'autre part, une norme ne peut déroger qu'à une norme de même valeur, ou à une norme supérieure si cela le lui a permis. Dès lors, en considérant que l'article 34 de la Constitution déroge au principe plus général énoncé par la DDHC, le CE affirme que la DDHC a valeur constitutionnelle. Définir le bloc de constitutionnalité : Constitution + Préambule (DDHC + Préambule de la Constitution de 1946 renvoyant aux PPNT et PFRLR + Charte de l'environnement). [...]
[...] Autrement dit, la DDHC, à laquelle fait référence le préambule de la Constitution, bénéficie-t-elle d'une valeur juridique d'une part ? Une disposition législative ancienne peut-elle voir son application écartée du litige dans le cas où elle serait contraire à une disposition constitutionnelle nouvelle d'autre part ? Par une décision du 12 février 1960, le Conseil d'État rejette la requête de la société Eky. Il considère, par une lecture combinée des articles 8 de la DDHC et 34 de la Constitution, que le législateur est seulement compétent en matière criminelle et délictuelle, et écarte donc l'application de l'article 4 du Code pénal de 1810 qu'il considère comme implicitement abrogé par l'entrée en vigueur de la constitution nouvelle. [...]
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