Cet arrêt de la 2e et 7e sous-section du conseil d'État se penche sur le problème de l'abrogation des circulaires qui ne seraient plus à simple caractère interprétatif, mais réglementaire, créant ainsi du droit au-delà du texte qu'elles doivent commenter.
En l'espèce la requérante avait demandé l'abrogation de la circulaire interministérielle du 6 décembre 2004 de présentation de la loi du 4 mars 2002 en tant qu'elle impose qu'un double tiret sépare les deux noms des parents qui souhaitent procéder à l'adjonction de noms pour leurs enfants en application de l'article 23 de cette loi et déféré le refus d'abrogation au conseil d'État. Elle prévoit que lorsque le double-tiret est omis par l'officier d'État civil, le procureur de la République doit faire procéder à la rectification de l'acte de naissance et impose à l'officier d'État civil, si les parents s'opposent à l'adjonction au nom de ce signe, de leur refuser la possibilité d'exercer leur choix et d'inscrire l'enfant sous un nom résultant des règles législatives supplétives.
Une circulaire créant ainsi du droit au même titre que le texte législatif qu'elle est censée interpréter est-elle conforme au droit administratif ?
[...] La circulaire interministérielle n'est plus alors une simple norme interprétative ayant pour mission de faire appliquer les textes législatifs uniformément par l'administration, elle devient réglementaire puisque modifiant le droit applicable et ainsi l'ordonnancement juridique. Il devient alors nécessaire d'en contrôler l'application. On comprend alors la volonté de Mme Lavergne d'abroger un texte faisant grief puisque nuisant à l'intérêt des particuliers en allant au-delà de sa compétence. Outre l'atteinte portée aux particuliers, la circulaire de décembre 2004 empiète également sur le domaine de l'article 34 de la constitution. [...]
[...] Seront considérées comme réglementaires, les circulaires qui créent une véritable norme de droit opposable aux intéressés. L'arrêt Duvignières de 2007 consacre ensuite une autre distinction: celle de circulaire interprétative et de circulaire à caractère impératif et général. Une circulaire ne peut faire grief que si elle possède un caractère impératif. Le conseil d'État est plus soucieux de la recherche d'un équilibre entre l'admission d'un recours et la question de savoir si on doit considérer qu'une circulaire doit être exclue de ce contrôle. Si on admet toutes les circulaires, cela conduit à un engorgement des tribunaux. [...]
[...] Cette décision du conseil d'État d'annuler une circulaire illégale empiétant sur le domaine législatif est une illustration de la volonté de faire évoluer le statut des circulaires administratives. II. La volonté du juge administratif et des pouvoirs publics de reconsidérer les circulaires administratives A. L'évolution du recours contentieux des circulaires En l'espèce le conseil d'État se trouve face à un cas de circulaire qui n'est plus seulement interprétative, mais qui crée véritablement du droit, ce pourquoi il ouvre la possibilité pour le justiciable de la voir annulée. [...]
[...] Cependant, le droit administratif a permis de contourner cette fin de non- recevoir. C'est ainsi que Mme Lavergne a fait une demande d'abrogation de la circulaire illégale auprès du ministre de la Justice, l'abrogation ne valant que pour l'avenir à la différence du retrait qui, lui, a un effet rétroactif. Le ministre ne va rien faire, mais la loi considère qu'un silence de deux mois gardé par l'administration à qui une demande a été faite vaut décision implicite de rejet. [...]
[...] Dans un pays de tradition rousseauiste où la loi conserve un caractère sacré et intouchable puisque le juge administratif n'a même pas vocation à opérer un contrôle de constitutionnalité selon l'arrêt Arrighi de 1936, il paraît alors impossible de ne pas sanctionner les règlements illégaux. C'est pourquoi le garde des Sceaux aurait dû répondre à la demande d'abrogation de la circulaire de Mme Lavergne puisque selon l'arrêt Alitalia de 1989, l'administration a obligation d'abroger un règlement illégal. Le conseil d'État n'avait alors d'autre choix que de sanctionner l'inaction du ministre en annulant sa décision implicite de rejet. [...]
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