Les personnes publiques sont parfois contraintes, lors de la réalisation de projets destinés à la collectivité, d'acquérir des droits de propriété selon la procédure d'expropriation. Cette procédure dérogatoire du droit commun est susceptible de porter une atteinte non négligeable à certains intérêts et notamment au droit de propriété des personnes privées (ou celui d'autres personnes publiques) qui est pourtant garanti constitutionnellement puisque défini à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme un « droit inviolable et sacré [sauf lorsque la] nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment ». Le caractère de nécessité publique a cependant été rapidement remplacé par celui de « cause d'utilité publique » à l'article 545 du Code Civil de 1804. Cet équilibre entre droits des administrés et pouvoirs nécessaires de l'administration est donc extrêmement fragile. Etant donné le caractère potentiellement dangereux de l'expropriation, le juge administratif est amené à veiller à sa saine utilisation, comme cela est le cas dans un arrêt Commune de la Chapelle-sur-Erdre du Conseil d'Etat du 11 avril 2008.
[...] Le Conseil d'Etat n'a pas suivi cette interprétation en se fondant sur un ensemble de mesures destinées à limiter l'impact esthétique que la réalisation pourrait avoir sur le bâtiment classé et à limiter les risques d'intrusion sur la propriété privée. Il a attaché plus d'importance au fait que la promenade réalisée permettra à la population de la région d'accéder à un site protégé. D'autre part, il faut bien voir que le Conseil d'Etat a refusé de dériver vers un contrôle d'opportunité. [...]
[...] Le cas d'espèce illustre fort bien cette possibilité. En effet, la Cour Administrative d'Appel de Nantes avait jugé, en appliquant strictement la jurisprudence Ville-Nouvelle-Est, que les atteintes portées au droit de propriété et à l'environnement constituaient des atteintes excessives au regard de l'intérêt du projet. Le Conseil d'Etat n'a pas suivi cette analyse puisqu'il a cassé l'arrêt d'appel parce qu'il avait donné aux faits [ ] une qualification juridique erronée Étant donné que c'est l'appréciation et l'interprétation des faits qui permet de leur donner une qualification juridique, il est donc évident que cette cassation résulte d'une simple différence d'appréciation entre le Conseil d'Etat et la Cour Administrative d'Appel de Nantes et non pas d'une mauvaise application de la jurisprudence par cette Cour Administrative d'Appel. [...]
[...] Cette ou ces personnes peuvent tout d'abord voir leur droit de propriété contestée à travers l'arrêt de cessibilité des terrains du préfet qui fait suite à la déclaration d'utilité publique dans la procédure d'expropriation. Ces terrains seront cédés sous la contrainte à la personne publique. S'il ne s'agit pas de l'ensemble de la propriété, comme en l'espèce, la jouissance du droit de propriété peut aussi être perturbée par les installations et ouvrages relatifs au projet d'aménagement. Les personnes privées peuvent également souffrir d'inconvénients d'ordre social c'est-à-dire relatifs à leur cadre de vie, aux différentes nuisances qui peuvent être la conséquence des travaux publics ou de l'utilisation de l'ouvrage public La victime des inconvénients du projet peut en second lieu être la collectivité. [...]
[...] Cependant, il n'en est rien. En effet, la théorie du bilan coûts-avantages veut, depuis sa création, que le juge administratif ne sanctionne d'illégalité une déclaration d'utilité publique que lorsque les inconvénients du projet qu'elle vise sont bien plus importants que l'intérêt public qu'elle permet de satisfaire. Il convient pour ce faire de caractériser des atteintes excessives que l'opération pourrait porter au regard de l'intérêt [qu'elle] présente Cette nécessité fait donc apparaître quatre situations possibles : pour trois d'entre elles, la déclaration d'utilité publique sera déclarée valable, alors que l'illégalité ne sera déterminée que dans la quatrième. [...]
[...] En effet, le Conseil d'Etat a tendance à ne pas s'opposer aux projets de grande ampleur alors qu'il est plus pointilleux quand il analyse l'utilité publique de projets plus modestes. Ainsi, le Conseil d'Etat a certainement pris en compte en l'espèce le fait que la promenade publique en cause s'inscrive dans le cadre d'un projet plus vaste de promenade entre Nantes et Sucé-sur-Erdre. Il ressort assez nettement de la jurisprudence du Conseil d'Etat que les déclarations d'utilité publique portant sur des projets de grande ampleur tels que des constructions d'autoroute, de lignes de TGV, de lignes électriques à haute tension, de centrales nucléaires, quasiment systématiquement attaquées notamment par des associations écologiques ou des riverains, ne sont que très rarement déclarées illégales. [...]
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