Si l'administration dispose de certains privilèges lorsqu'elle agit, notamment le privilège du préalable lui permettant d'imposer sa volonté sans le consentement des destinataires de ses décisions, elle se doit en revanche de respecter le droit. Le principe de légalité tend ainsi à contraindre l'administration, celle-ci doit ainsi respecter un bloc de légalité composé de la constitution, des traités, de la loi, des principes jurisprudentiels, et des actes administratifs réglementaires. Si seuls les actes administratifs décisoires sont contestables devant le juge administratif, si le recours satisfait les conditions de recevabilité, tous les actes administratifs se doivent de respecter ces normes.
En l'espèce par sa décision du 9 juin 2000, le consul de France à Port-Louis, Île Maurice, a refusé de délivrer à M. Joorawon un visa de court séjour lui permettant d'entrer sur le territoire de la réunion pour y rejoindre son épouse. Son refus est fondé sur l'ordonnance du 2 novembre 1945, ainsi que sur les articles 5 et 15 de la convention d'application de l'accord Schengen. Il entend ainsi prévenir un risque d'atteinte à l'ordre et à la sécurité, M Joorawon étant inscrit aux fins de non-admission au Système d'Information Schengen (SIS), s'étant rendu coupable de coups et blessures volontaires avec arme et ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion. M Joorawon conteste la décision du consul et demande l'annulation de la décision au motif que celle-ci ne respecte pas son droit au respect de sa vie familiale tiré de l'article 8 de la CEDH. Le conseil d'Etat accepte sa requête et prononce l'annulation de la décision, non pas sur le fondement proposé par le requérant, mais parce que la décision est entachée d'erreur de droit puisque fondée sur une convention internationale ne s'appliquant pas au territoire de la Réunion.
Dans quelle mesure le principe de légalité s'impose face à l'ordre public ?
[...] Cependant selon l'article 55 de la constitution une norme internationale est supérieure à une loi. Dès lors que le non-respect du champ d'application géographique d'une loi est sanctionné (CE 9 juin 1958 Ste Costa frères et et constitue un moyen d'ordre public, on peut admettre que cela vaut également pour une norme internationale. La convention en l'espèce n'est applicable que sur une partie du territoire français, l'espace européen. Ainsi, cette violation du champ d'application constituant un moyen d'ordre public le juge est tenu de la relever d'office même si, comme en l'espèce, le requérant ne l'invoque pas. [...]
[...] Dans certaines hypothèses la légalité tolère certains écarts. Lorsque les circonstances sortent de l'ordinaire, la légalité normale ne saurait s'appliquer. Il s'agit de deux hypothèses prévues par le législateur, à savoir l'état de siège et de l'état d'urgence. Dans ces hypothèses une légalité d'exception se substitue à la légalité ordinaire pour assurer l'ordre public. Or en l'espèce aucune de ces situations exceptionnelles n'existait. La légalité ne pouvait donc tolérer aucun assouplissement. La protection de l'ordre public devait donc se faire en respectant le principe de légalité. [...]
[...] Tout acte de l'administration ignorant ce principe est illégal. La soumission de l'administration au droit dépend de la volonté des administrés. Ce sont eux qui exerçant u recours peuvent faire plier l'administration et la contraindre à respecter la légalité quand elle l'ignore. La décision du consul ayant fait l'objet d'un recours recevable, le juge constate qu'il ne respecte pas le principe de légalité et en tire la conséquence qui s'impose en annulant l'acte illégal. II Une décision motivée par des considérations de fait Le consul a fondé sa décision de refus de délivrer un visa sur la convention d'application de l'accord Schengen mais également sur l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. [...]
[...] Dans quelle mesure le principe de légalité s'impose face à l'ordre public ? La décision du consul étant fondée sur une convention internationale inapplicable, elle méconnaît le principe de légalité Le juge administratif veillant au respect du droit par l'administration, il annule la décision illégale du consul. Cependant si le motif de droit du consul tiré de la convention d'application de l'accord Schengen était illégal, sa décision était également basée sur des considérations de fait et visait à protéger l'ordre public. [...]
[...] Pour permettre la libre circulation sans perturber l'ordre public, le Système d'information Schengen a été créé, regroupant des données sur les personnes et objets recherchés ou indésirables. L'article 138 de la convention d'application de l'accord Schengen prévoit que ces dispositions ne s'appliquent qu'au territoire européen de la République française. Ainsi, les DOM et les TOM ne sont pas concernés par cette convention. Le consul en prenant sa décision sur le fondement de l'article 5 de la convention a méconnu le champ d'application de celle-ci. [...]
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