En vertu de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Il semble que cet article n'ait jamais été autant d'actualité qu'à ce jour. Ainsi, si le tribunal des conflits, le 8 février 1873 affirme dans la décision Blanco le principe de la responsabilité de l'administration, il semble que ce dernier prenne une importance toujours plus importante dans notre société. De l'irresponsabilité de l'administration et de l'Etat en passant par sa responsabilité strictement encadrée, l'on assiste actuellement à un véritable élargissement des cas et conditions dans lesquels la responsabilité publique peut être engagée.
Preuve en est, l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 10 avril 1992 au sein duquel les juges semblent avoir souhaité poursuivre ce mouvement favorable à la mise en œuvre par les citoyens, de la responsabilité de l'administration, et ce, en rompant avec une jurisprudence antérieure qui posait des limites à la responsabilité des établissements publics hospitaliers.
[...] Cependant, concernant les actes médicaux définis au sein de l'arrêt Rouzet rendu par le Conseil d'Etat le 26 Juin 1959 comme étant tous les actes qui ne peuvent être faits que par un médecin ou un chirurgien ou par un auxiliaire médical sous la responsabilité et la surveillance directe d'un médecin, dans des conditions qui lui permettent d'en contrôler l'exécution et d'intervenir à tout moment était jusqu'à lors nécessaire d'apporter la preuve d'une faute lourde dans la réalisation de cet acte pour que la responsabilité du service hospitalier soit engagée. Cette exigence, consacrée dans l'arrêt Assistance publique de Marseille rendu par le Conseil d'Etat le 9 janvier 1957, s'expliquait notamment par la complexité des actes médicaux. [...]
[...] Une banalisation de la responsabilité du service public hospitalier n'est donc pas à craindre. Ainsi selon F_Lemaire le passage de la faute lourde à la faute simple n'est pas la substitution d'une responsabilité sous condition à une responsabilité systématique car en effet la faute simple n'est pas une simple faute Cette banalisation de la faute lourde est d'autant moins à craindre que ce régime ne va pas s'imposer dans tous les cas relevant de la responsabilité hospitalière. En effet, le Conseil d'Etat semble plutôt souhaiter adapter ses décisions au cas par cas C'est ainsi qu'une simple présomption de faute permettra d'engager la responsabilité d'un hôpital public dans le cas ou des soins courants ne nécessitant pas la présence d'un médecin, de simples actes thérapeutiques ont laissé de graves séquelles à une personne. [...]
[...] En effet, en vertu d'une jurisprudence antérieure, le Conseil d'Etat considérait qu'en matière d'actes médicaux, seule la preuve d'une faute lourde était de nature à engager la responsabilité de l'hôpital C'est en cela que l'arrêt commenté puise son importance, de part le revirement qu'il fait connaitre à cette jurisprudence. Le Conseil d'Etat a donc décidé d'indemniser les époux X des dommages subis, et a condamné l'hôpital du Belvédère à leur verser la somme de francs considérant que la faute commise par les médecins spécialistes était de nature à engager leur responsabilité. [...]
[...] Eu égard des ces constatations il semble que la distinction entre actes médicaux et actes thérapeutiques ne revête plus aucun intérêt. Ainsi, s'il semble que la jurisprudence tende de plus en plus à admettre la responsabilité de l'administration pour les fautes qu'elle commet, il apparait que l'arrêt commenté constitue un pas de plus en la matière en permettant l'engament de la responsabilité des établissements publics hospitaliers sur la base d'une faute simple. En l'espèce, nous avons pu constater que s'il était offert aux époux V de mettre en œuvre la responsabilité de l'hôpital du Belvédère, en raison de la jurisprudence antérieure et de la réunion des conditions le permettant, il n'était pas pour autant assuré qu'une indemnisation de la part de l'établissement puisse être obtenue au regard de l'exigence, par la jurisprudence antérieure de la preuve d'une faute lourde. [...]
[...] Ainsi, si les époux V ont bénéficié de cet abandon de l'exigence d'une faute lourde en faveur de leur indemnisation, ce n'est qu'en conformité avec un mouvement jurisprudentiel déjà entamé depuis longtemps allant dans ce sens. C'est donc dans un souci d'indemnisation des victimes que cette décision a été rendue, mais également dans un souci de conformité avec une jurisprudence prônant l'abandon généralisé de la faute lourde (f-Lemaire) dans quelques domaines de l'administration que ce soit. Cependant, si l'arrêt du 10 février 1992 est favorable à l'indemnisation des victimes, l'on peut en venir à se demander si peut être crainte une certaine banalisation de la responsabilité du service public, qui verra alors sa responsabilité engagée pour la moindre de ses fautes .Par ailleurs, l'abandon de cette faute lourde consacrée en partie au sein de l'arrêt commenté, peut-il laisser craindre une disparition totale de cette notion dans les années à venir ? [...]
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