Les faits étaient semblables. Dans le premier arrêt, l'hôtel du vieux Beffroi avait été réquisitionné le 11 septembre 1944 par l'autorité militaire britannique qui y installa trois mois plus tard un centre d'accueil pour rapatriés. La levée de la réquisition datant du 10 avril 1945, l'immeuble ne fut remis à la disposition de la société propriétaire que le 25 janvier 1946. La société « Hôtel du vieux Beffroi » demande alors réparation du préjudice subi. Dans la seconde espèce, le préfet de la Seine avait, par un arrêté du 22 novembre 1941, réquisitionné « pour les besoins de la nation » des immeubles occupés par les établissements Pygmalion à Paris situés entre la rue de Rivoli et le Boulevard Sébastopol. Par deux arrêtés ultérieurs, les effets de cette réquisition ont été prolongés au profit du ministère des anciens combattants mais sans préciser expressément la liste des immeubles concernés. La société immobilière Rivoli-Sébastopol, estimant que les réquisitions prononcées par le deuxième arrêté n'avaient pas la même étendue que celle du 22 novembre 1941, demandent au juge des référés l'expulsion de l'administration des anciens combattants de locaux qui se trouveraient, depuis le 30 juin 1946, en dehors de toute réquisition.
Dans la première espèce, la demande d'indemnité de la société demanderesse est acceptée par le tribunal de Béthune. La cour d'appel de Douai, saisie de l'appel du ministre de la population et d'un déclinatoire de compétence du préfet du Pas-de-Calais, s'est, par un arrêt en date du 2 février 1948, déclarée compétente et a renvoyé l'affaire pour statuer au fond. Néanmoins, le préfet du Pas de Calais a élevé le conflit d'attribution par un arrêté du 14 février 1948 devant le tribunal des conflits.
Dans la seconde affaire, l'ordonnance de référé du 20 mars 1947 issue de la chambre des référés élève de la même manière, le conflit devant le tribunal des conflits.
Le Tribunal des conflits considère alors que le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la régularité ou l'irrégularité de l'emprise et que seul le juge judiciaire est compétent pour statuer sur une demande en réparation découlant d'une emprise irrégulière. En outre, et cela ressort de la seconde espèce, le juge judiciaire est cantonné dans le contentieux de la réparation, il ne peut donc pas disposer de pouvoirs d'injonction vis-à-vis de l'administration.
Il s'agissait alors pour le tribunal des conflits de se prononcer sur l'ordre juridictionnel compétent pour statuer sur le litige en cas d'atteinte au droit de propriété immobilière par l'administration ?
[...] Le Tribunal des conflits considère alors que le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la régularité ou l'irrégularité de l'emprise et que seul le juge judiciaire est compétent pour statuer sur une demande en réparation découlant d'une emprise irrégulière. En outre, et cela ressort de la seconde espèce, le juge judiciaire est cantonné dans le contentieux de la réparation, il ne peut donc pas disposer de pouvoirs d'injonction vis-à-vis de l'administration. Il s'agissait alors pour le tribunal des conflits de se prononcer sur l'ordre juridictionnel compétent pour statuer sur le litige en cas d'atteinte au droit de propriété immobilière par l'administration ? [...]
[...] - Quand il y a voie de fait non seulement le juge judiciaire est compétent pour accorder des dommages et intérêts, mais il est aussi compétent pour constater la voie de fait ou pour enjoindre l'administration de cesser la voie de fait. Donc la compétence du juge judiciaire, est pratiquement totale ; beaucoup plus large que lorsqu'il y a emprise irrégulière - C'est une conséquence de l'article 66al2 de la Constitution : juge est le protecteur des libertés individuelles - En l'espèce, le maintien de l'administration dans ces immeubles, postérieurement au 30 juin 1946, ne pouvait être regardé comme constituant une voie de fait - Conséquence : juge judiciaire est compétent seulement pour allouer des dommages et intérêts en cas d'emprise irrégulière Les limites partielles de la compétence du juge judiciaire La compétence du juge administratif dans les mesures d'injonction de payer - Si la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l'autorité judiciaire, la mission conférée à celle- ci se trouve limitée par l'interdiction qui lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III de connaître des actes de l'administration - D'où la nécessité de savoir si les mesures d'injonction de payer sont des mesures d'ordre privé ou d'ordre public - Lorsqu'elle est saisie de conclusions tendant à l'expulsion d'un service public de locaux dont le demandeur s'est trouvé privé du fait d'un acte administratif, la juridiction civile doit donc ( ) se déclarer incompétente - En l'espèce les ordres de réquisitions sont des actes administratifs pris en exécution de la loi du 11 juillet 1938 - Avant, vieil adage : chose publique même mal plantée ne se détruit pas - Arrêt de 2003 : Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes qui efface cet adage. [...]
[...] - La compétence est celle du juge administratif et l'arrêté de conflit du préfet du Pas-de-Calais, en date du 14 février 1948 est alors annulé. - Le juge administratif est donc compétent pour juger de l'irrégularité du titre lorsqu'il est absent, voire même lorsqu'il y a dépassement de celui-ci. Que l'irrégularité soit due au dépassement du titre - Des arrêtés ultérieurs des 1ers juillets 1946 et 30 avril 1947 ont prolongé les effets de cette réquisition au profit du ministère des Anciens Combattants - ainsi, la société immobilière Rivoli-Sébastopol a demandé au juge des référés l'expulsion de l'administration de l'administration des anciens combattants de locaux qui se trouveraient, depuis le 30 juin 1946, en dehors de toute réquisition - TC 29 octobre 1990 Préfet de Saône et Loire : exemple d'irrégularité basé sur le dépassement du titre. [...]
[...] Mais s'il y a des dispositions spéciales, alors la compétence du juge judiciaire est alors requise. [...]
[...] Les deux arrêts du TC en date du 17 mars 1949 Société Hôtel du vieux Beffroi et Société Rivoli Sébastopol donnent une illustration de cette répartition des compétences juridictionnelles. Les faits étaient semblables. Dans le premier arrêt, l'hôtel du vieux Beffroi avait été réquisitionné le 11 septembre 1944 par l'autorité militaire britannique qui y installa trois mois plus tard un centre d'accueil pour rapatriés. La levée de la réquisition datant du 10 avril 1945, l'immeuble ne fut remis à la disposition de la société propriétaire que le 25 janvier 1946. [...]
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