Il semble que le contrat est un des domaines d'élection de la complexité du droit administratif : cela tient à ce que tous les contrats conclus par l'administration ne sont pas des contrats de droit public, mais aussi à ce que des conventions qui ne sont conclues qu'entre personnes privées peuvent être des contrats de droit public. Les arrêts de la CAA de Douai du 5 mai 2004 et de la CAA de Lyon du 6 mai 2004 sont la parfaite illustration de la difficile identification des contrats administratifs. De façon cursive et en apparence anodine, ces arrêts infléchissent de manière notable la jurisprudence concernant la notion des contrats administratifs.
En l'espèce, dans l'affaire portée devant la CAA de Douai, une convention a été passée entre un établissement scolaire et la SARL Normat. La société s'est engagée à livrer et poser du matériel informatique commandé par l'établissement scolaire. La SARL n'ayant pas exécuté ses obligations contractuelles, l'établissement scolaire lui réclame par la voie d'un titre de recette exécutoire le paiement d'une somme de 90 000 francs. Le contrat entre l'établissement et la société prévoit entre autres « l'annulation pure et simple » de la commande sans indemnisation, si la société n'exécute pas son obligation avant une date et heure précises. La société attaque devant le tribunal administratif d'Amiens le titre de recette émis par l'établissement scolaire.
Par ailleurs, dans le deuxième cas, concernant l'arrêt de la CAA de Lyon, M. Furelaud avait conclu une convention d'affermage avec une commune afin de gérer un chalet-restaurant. La commune décide unilatéralement la résiliation anticipée de la convention. M. Furelaud demande au juge administratif l'annulation de la délibération en ce sens.
[...] Certains arrêts y voient une clause qui n'est pas usuelle dans les rapports entre particuliers (TC novembre 1960); d'autres la définissent comme la clause ayant pour effet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations étrangères par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales (CE octobre 1950, Stein); on a pu y voir enfin également la clause fondée directement sur des motifs d'intérêt général (CE 20 avril 1956, Époux Bertin). L'arrêt de la CAA de Lyon illustre l'exemple des clauses exorbitantes qui permettent à l'administration contractante de résilier elle-même le contrat, ainsi que celles qui lui permettent de diriger, surveiller ou contrôler son exécution. La jurisprudence Sté du vélodrome du parc des princes du TC 16 janvier 1967 avait défini ce genre de clause comme exorbitante du droit commun et donc impliquant la qualification de contrat administratif. [...]
[...] Le tribunal se reconnaît compétent et statue sur la demande de la SARL et sur les conclusions aux fins d'intérêts et d'indemnités présentés par l'établissement scolaire. La CAA de Douai annule le jugement attaqué et rejette les conclusions présentées par les parties. La CAA considère en effet que les relations entre la SARL et l'établissement scolaire sont de droit privé dont il n'appartient pas aux juridictions administratives de connaître. Par ailleurs, dans le deuxième cas, concernant l'arrêt de la CAA de Lyon, M. [...]
[...] Le recours à la notion de participation à l'exécution du SP Le critère de la clause exorbitante, qui a longtemps pu paraître exclusif à la suite de l'arrêt Sté des granits porphyroïdes des Vosges, suivi des arrêts très récents des CAA de Douai et de Lyon, ne l'est pas : un contrat ne comportant une telle clause peut néanmoins être administratif en tant qu'il confie au contractant l'exécution du service public ou qu'il est lui- même une modalité d'exécution du service public, comme l'a reconnu la jurisprudence depuis l'arrêt Époux Bertin du 20 avril 1956. Cette alternative est clairement mise en évidence dans les deux arrêts étudiés. Ainsi dans l'arrêt de la CAA de Lyon, le juge administratif retient que le cocontractant avait l'obligation d'assurer la continuité du service tandis que la CAA de Douai précise que ce contrat ( ) n'a pas eu pour objet de confier à ladite société l'exécution de travaux publics Ainsi, le critère de la clause exorbitante n'est ni toujours suffisant ni toujours nécessaire. [...]
[...] Le commissaire du gouvernement Léon Blum considérait que le critère du contrat administratif est la présence de clauses exorbitantes de droit commun. Dans ses conclusions portant sur l'arrêt du CE du 31 juillet 1912, Sté des granits porphyroïdes des Voges, il indiquait : quand il s'agit de contrat, il faut rechercher, non pas en vue de quel objet ce contrat est passé, mais ce qu'est ce contrat de par sa nature même. Et, pour que le juge administratif soit compétent, il ne suffit pas que la fourniture qui l'objet du contrat doive être ensuite utilisée pour un service public ; il faut que ce contrat par lui-même, et de par sa nature propre, soit de ceux qu'une personne publique peut seule passer, qu'il soit, par sa forme et sa contexture, un contrat administratif . [...]
[...] À travers ces deux arrêts, les juges ont eu l'occasion de préciser l'importance et les contours d'un des critères alternatifs du contrat administratif, à savoir les clauses exorbitantes du droit commun. D'un côté pour qualifier une convention de contrat administratif, le juge retient qu'une clause de résiliation unilatérale hors faute contractuelle constitue une clause exorbitante du droit commun (CAA de Lyon) et d'autre part, il refuse de qualifier d'exorbitante du droit commun une stipulation prévoyant une résolution unilatérale du contrat lorsque le cocontractant n'exécute pas ses obligations (CAA de Douai). [...]
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