Commentaire de l'ordonnance du 22 janvier 2016, juge des référés du Conseil d'Etat, liberté d'aller et venir, libertés fondamentales, état d'urgence, arrêt Baldy, loi du 3 avril 1955, article L.521-2 du Code de justice administrative, loi du 20 novembre 2015, assignation à résidence, article 66 de la Constitution, attentats du 13 novembre 2015, recueil Lebon, juge administratif
Le Commissaire du gouvernement Corneille, dans ses conclusions sur l'arrêt Baldy du 10 août 1917, écrivait que "Pour déterminer l'étendue d'un pouvoir de police dans un cas particulier, il faut tout de suite se rappeler que les pouvoirs de police sont toujours des restrictions aux libertés des particuliers, que le point de départ de notre droit public est dans l'ensemble les libertés des citoyens, que la Déclaration des droits de l'homme est, implicitement ou explicitement, au frontispice des constitutions républicaines et que toute controverse de droit public doit, pour se calquer sur les principes généraux, partir de ce point de vue que la liberté est la règle et la restriction de police l'exception".
Cette réflexion est d'autant plus d'actualité aujourd'hui que la problématique de la conciliation de la protection des libertés fondamentales et de la préservation de l'ordre public est avivée par l'instauration du régime de l'état d'urgence (par les décrets du 14 novembre 2015). Par une ordonnance n°396116 du 22 janvier 2016, le juge des référés du Conseil d'État suspend une mesure d'assignation à résidence en ce qu'elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir.
[...] Certes, en l'espèce, on constate que le contradictoire est respecté, et que les notes blanches n'ont pas su convaincre le juge, mais ceci ne semble pas non plus convaincre les détracteurs de cette admission classique de la note blanche par les tribunaux administratifs, qui reste ambiguë. Enfin, si la cohérence légale et le bon sens du juge des référés semble indiscutable, on peut regretter que ce contrôle intervienne a posteriori d'une mesure si liberticide : l'arrêté a été pris le 15 décembre 2015 et suspendu le 22 janvier 2016. [...]
[...] En l'espèce, l'intention d'exercer ce contrôle est expressément retranscrite au sein de l'ordonnance du 22 janvier 2016. Ainsi, est annoncée explicitement la tâche qui incombe au juge des référés du Conseil d'État en la présente espèce : « il appartient au juge des référés de s'assurer, en l'état de l'instruction devant lui, que l'autorité administrative, opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public, n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». [...]
[...] L'efficacité de son travail s'observe également par le soin apporté à ce que sa décision soit prise en toute impartialité, et à ce que l'ordonnance le reflète (un des moyens soulevés par l'appelant étant que l'arrêté « porte atteinte aux droits de la défense », la justice doit assurer que le respect de ce principe soit absolu). Ainsi, on constate que deux mémoires sont toujours présentés, que les deux parties répondent l'une à l'autre, respectant ainsi le principe du contradictoire. [...]
[...] Ici, l'appelant soutenait que l'arrêté́ contesté portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté́ individuelle, à la liberté́ d'aller et venir, à la liberté́ d'entreprendre et à son droit de mener une vie privée, familiale et professionnelle normale, portait atteinte aux droits de la défense, méconnaissait les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à̀ l'état d'urgence, et enfin que l'arrêté était entaché d'une erreur d'appréciation étant donné qu'il ne représentait pas une menace pour la sécurité́ et l'ordre publics. Le ministre de l'Intérieur soutient que ces moyens ne sont pas fondés. Le juge des référés du tribunal administratif de Melun donne raison au ministre, rejetant de ce fait la demande de l'intéressé, qui interjette appel de cette décision devant le juge des référés du Conseil d'État, compétent pour connaître des appels contre les ordonnances rendues par les tribunaux administratifs en matière de référé-liberté. [...]
[...] en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative », mais la somme semble faible par rapport aux préjudices secondaires nombreux engendrés par la mesure d'assignation à résidence. Si le travail de conciliation des libertés fondamentales et de la préservation de l'ordre public semble aujourd'hui effectif sous l'état d'urgence (il s'agit de la première suspension d'une assignation à résidence ayant été confirmée en première instance), l'efficacité de l'administration et de la justice sous l'état d'urgence n'est pas encore parfaite, mais la science du droit ne prétendant pas à l'absolu – encore moins sans recul, il faut déjà louer le chemin de la justice administrative vers le progrès qu'illustre l'ordonnance du 22 janvier 2016, et auquel semble répondre l'administration (le Ministère de l'Intérieur a décidé, vendredi 1er février, d'abroger définitivement l'arrêté d'assignation à résidence suspendue par le juge des référés). [...]
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