Professeur de droit public réputé, Gaston Jèze pouvait écrire « Les effets des contrats administratifs ne sont pas les mêmes que ceux des contrats civils ». Dès lors, il semble primordial d'identifier lorsque nous sommes en présence d'un contrat conclu par l'administration, si ce contrat est administratif ou s'il est un contrat de droit commun. Cependant, le juge peut parfois éprouver des difficultés pour qualifier les contrats auxquels une personne publique est partie. L'arrêt du Tribunal des Conflits du 22 octobre 2001 semble en être la démonstration.
Profitant de la possibilité offerte par l'article 34 du Code des marchés publics et l'article 3 du décret numéro 85-801 du 30 juillet 1985, une personne publique confia à l'Union des Groupements d'Achat Public (UGAP) le soin d'effectuer leur achats de matériels de déneigement. Ce faisant, le 21 juillet 1989, l'Union des groupements d'achat public passa avec la société DIC aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas un contrat portant sur la fourniture de ce type de matériel. Ce dernier comportait un renvoi au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et services lequel conférait à la personne publique contractante un pouvoir de résiliation y compris en l'absence de tout manquement du titulaire du marché à ses obligations contractuelles. A la suite d'un litige naissant de l'exécution de ce contrat, une des parties saisie le tribunal administratif ou judiciaire. En effet, l'extrait de l'arrêt qui nous est proposé ne précise pas dans quelles conditions le Tribunal des conflits fut saisit. Néanmoins, nous savons qu'il peut l'être à la suite d'un conflit positif de compétence c'est-à-dire lorsque les juridictions administrative et judiciaire de reconnaissent aptes à connaître l'affaire. Le Tribunal des conflits peut aussi être saisi pour protéger le plaideur contre le déni de justice lorsque les juridictions administratives et judiciaires se déclarent successivement incompétente, c'est-à-dire lorsque nous sommes en présence d'un conflit négatif ou lorsque les deux juridictions rendent à propos d'un même litige deux solutions contradictoires. Le Tribunal des conflits pourra aussi être consulté à l'occasion d'un renvoi pour avis afin de prévenir cette fois le conflit de compétence. Quoi qu'il en soit, le 22 octobre 2001 le tribunal des conflits doit se prononcer sur le caractère administratif ou non du contrat afin de pouvoir déterminer par la suite quelle juridiction sera compétente.
L'identification d'un contrat administratif est délicate ; dès lors, les problèmes juridiques qui viennent à se poser au Tribunal des conflits sont multiples : L'UGAP agit-elle pour ses besoins propres lorsqu'elle intervient dans le cadre de l'article 34 du Code des marchés publics et de l'article 3 du décret du 30 juillet 1985 ? La relation contractuelle litigieuse lie-t-elle un service public industriel et commercial à son usager ? Le Tribunal des conflits répondra successivement à ces deux questions de façon négative : « lorsque l'UGAP intervient dans le cadre de ces dispositions réglementaires, elle agit non pour ses besoins propres, mais pour ceux de la personne publique concernée » ; d'autre part, « son cocontractant, au cas où il est appelé à fournir une prestation destinée à pourvoir aux besoins des personnes publiques qui ont fait appel au concours de l'établissement, ne saurait en aucun cas être regardé comme l'usager d'un service public industriel et commercial ».
D'autre part, la soumission des achats effectués par l'UGAP à la demande d'une personne publique suffit-elle à lui conférer le caractère de contrat administratif ? Le Tribunal des conflits répondra que cette soumission « ne saurait à elle seule leur conférer le caractère de contrats administratifs ». Dès lors, un marché passé par l'UGAP à la demande d'une personne publique peut-il néanmoins avoir le caractère de contrat administratif ? Oui, nous répond le tribunal des conflits « soit qu'il fasse participer le cocontractant, à l'exécution du service public, soit qu'à défaut il comporte une clause exorbitante de droit commun ». Cette solution appelle deux autres questions sous-jacentes : Le cocontractant participe-t-il à l'exécution d'un service public ? Le tribunal des conflits ne répond qu'implicitement à cette question en s'intéressant davantage au critère de la clause exorbitante. Mais le contrat pourra-t-il revêtir le caractère de contrat administratif s'il se réfère à un cahier des charges comprenant lui-même une clause exorbitante ? Par ailleurs, le fait de prévoir au profit de la personne publique contractante un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat en l'absence de tout manquement du titulaire de ce dernier à ses obligations contractuelles est-il une disposition susceptible d'être qualifiée de clause exorbitante de droit commun ? Le contrat peut revêtir un caractère administratif « au cas où le marché se réfère à un cahier des charges qui lui-même comprend une clause exorbitante de droit commun ; que constitue notamment une telle clause le fait de prévoir au profit de la personne publique contractante un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat en l'absence de tout manquement du titulaire de ce dernier à ses obligations contractuelles », nous dit le tribunal des conflits. Ainsi, conclue-t-il, « il n'appartient qu'à la juridiction administrative de statuer sur les litiges nés de son exécution ».
Pour arriver à déterminer la juridiction compétente, le Tribunal des conflits recherche des critères susceptibles de l'aider dans sa tâche. Dès lors, il semble intéressant de s'interroger sur chaque critère qu'énonce le Tribunal des Conflits ainsi que sur leur portée. Nous verrons que certains critères, s'ils ne pouvaient suffire pour déterminer la nature du contrat, ont contribué à influencer le juge dans sa recherche (I). En effet, l'environnement du contrat ne suffisait pas pour qualifier ce dernier, il fallait davantage se référer à son contenu (II).
[...] Ainsi, conclut-il, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de statuer sur les litiges nés de son exécution Pour arriver à déterminer la juridiction compétente, le Tribunal des conflits recherche des critères susceptibles de l'aider dans sa tâche. Dès lors, il semble intéressant de s'interroger sur chaque critère qu'énonce le Tribunal des Conflits ainsi que sur leur portée. Nous verrons que certains critères, s'ils ne pouvaient suffire pour déterminer la nature du contrat, ont contribué à influencer le juge dans sa recherche En effet, l'environnement du contrat ne suffisait pas pour qualifier ce dernier, il fallait davantage se référer à son contenu (II). [...]
[...] Il nous faut identifier en quoi elle peut être qualifiée ainsi dans la mesure où le critère de la Clause exorbitante perd aujourd'hui de sa pertinence du fait qu'on retrouve de plus en plus dans les contrats de droit privé des pouvoirs reconnus à l'administration. B. Une relation contractuelle inégalitaire justement confiée au juge administratif Malgré l'ambiguïté de cette notion, la clause à laquelle renvoie le contrat est sans aucun doute une clause exorbitante de droit commun dans la mesure où elle met à la disposition de l'UGAP une prérogative de puissance publique De fait, nous ne pouvons que saluer la solution donnée par le tribunal des conflits dans la mesure où l'affaire naissant de ce contrat n'aurait aucune raison d'être jugée par le juge judiciaire. [...]
[...] Cette solution a été reprise 10 années plus tard par le tribunal des conflits, le 23 février 2004 dans l'affaire Société Leasecom Ainsi, en l'espèce, le contrat ne participe en rien à l'exécution d'un service public. Pour avoir le caractère de contrat administratif, il faut qu'il comporte une clause exorbitante de droit commun. En effet, le tribunal des conflits la présente en l'espèce comme une alternative au critère de service public. L'identification incertaine d'une clause exorbitante de droit commun L'insertion dans le contrat de clauses exorbitantes traduit la volonté de la personne publique de placer la relation contractuelle sous l'empire du droit public, elle traduit donc le choix de la gestion publique. [...]
[...] Néanmoins, il est des cas où la jurisprudence administrative considère que ce critère organique suffit : lorsqu'un contrat est conclu entre deux personnes privées ou entre deux personnes publiques. Dans le premier cas, il est considéré comme un contrat de droit privé, dans l'autre, il est présumé administratif. Cependant pour ce dernier cas, il ne s'agit que d'une présomption simple qui peut être renversée, comme l'a démontré le Tribunal des conflits dans l'arrêt U.A.P. du 21 mars 1983, c'est-à-dire si, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé. [...]
[...] En effet, l'extrait de l'arrêt qui nous est proposé ne précise pas dans quelles conditions le Tribunal des conflits fut saisi. Néanmoins, nous savons qu'il peut l'être à la suite d'un conflit positif de compétence c'est-à-dire lorsque les juridictions administrative et judiciaire se reconnaissent aptes à connaître l'affaire. Le Tribunal des conflits peut aussi être saisi pour protéger le plaideur contre le déni de justice lorsque les juridictions administratives et judiciaires se déclarent successivement incompétentes, c'est-à-dire lorsque nous sommes en présence d'un conflit négatif ou lorsque les deux juridictions rendent à propos d'un même litige deux solutions contradictoires. [...]
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