Le 4 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés de la loi portant règlement définitif du budget de 2005, adoptée le 28 juin 2006. Il s'agit de la cinquième loi de règlement sur laquelle le Conseil est appelé à se prononcer.
L'originalité de la saisine était de mettre pour la première fois explicitement en cause la sincérité d'une loi de règlement. Le 13 juillet 2006, par sa décision no 2006-538 DC, le Conseil a rejeté le recours formé contre cette loi.
Dans cet arrêt, les députés requérants adressent quatre griefs à la loi portant règlement définitif du budget de 2005 :
Le premier grief était tiré de ce que les conditions de mise en oeuvre de crédits par voie de décrets d'avance n'avaient pas été respectées
Le deuxième grief était tiré des modalités de reprise de la dette contractée pour le compte du fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA)
Le troisième grief reprochait à la loi de règlement de traiter comme des recettes budgétaires les remboursements effectués par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) au budget général. Les requérants y voyaient une opération de trésorerie.
Le dernier grief mettait directement en question l'exactitude de l'imputation d'une charge à l'exercice 2005.
Les membres du Conseil constitutionnel ont ainsi du répondre à travers ces quatre griefs à une question principale : La loi portant règlement définitif du budget de 2005 respectait-elle le principe de sincérité budgétaire ?
Le Conseil constitutionnel n'a pas donné raison aux requérants et a estimé que cette loi était conforme à la constitution et aux textes constitutionnels.
En effet, La loi de règlement pour 2005 est la dernière loi de règlement dont le contenu est régi par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Or, contrairement à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 met en oeuvre une comptabilité de caisse et ne soumet pas à l'approbation du Parlement un résultat comptable prenant en compte dépenses et recettes en droits constatés et opérations patrimoniales.
Étaient dès lors inopérants les griefs des requérants qui, reprenant les critiques adressées par la Cour des comptes à l'exécution du budget de 2005 sur le plan de la bonne gestion, anticipaient pour une large part sur l'emploi de notions de comptabilité générale qui résultera de la pleine application de la LOLF.
Dans cet arrêt il est intéressant de voir sur quels fondements repose le principe de sincérité invoqué par les requérants, ainsi que la définition qui en est donnée dans les différents textes organiques (I). Il est aussi important de s'arrêter sur l'argumentation développée par les requérants à l'appui de leur saisine, ainsi que sur l'argumentation mise en œuvre par les juges du Conseil constitutionnel pour démontrer la conformité de cette loi de règlement à la constitution (II).
[...] I des griefs d'insincérité nombreux, fondés sur le texte de la LOLF et non sur celui de l'ordonnance de 1959 Les députés ayant formé le recours estiment que la loi portant règlement définitif du budget de 2005 contrevient au principe de sincérité budgétaire tel qu'il a été affirmé dans la LOLF et mis en avant par la jurisprudence. Ainsi, les juges du Conseil constitutionnel rappellent quels sont les fondements de ce principe et soulignent le fait que ce dernier n'a pas la même portée dans l'ordonnance du 2 janvier 1959 et dans la LOLF Les fondements du principe de sincérité Le principe de sincérité des textes financiers a été dégagé par la jurisprudence dès 1993 pour les lois de finances 93-320 DC du 21 juin 1993), soit avant que ce principe ne soit expressément consacré par la LOLF (articles et 32). [...]
[...] L'ordonnance de 1959 : le texte applicable concernant la loi portant règlement définitif du budget de 2005 La loi de règlement de 2005 est la dernière à enregistrer dépenses et recettes selon une logique de caisse. En effet, l'article 67 de la LOLF dispose en son premier alinéa que " Sous réserve des dispositions prévues aux articles 61 à 66, l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 précitée est abrogée le 1er janvier 2005. Toutefois, ses dispositions demeurent applicables aux lois de finances afférentes à l'année 2005 et aux années antérieures La loi de règlement de 2005 reste donc définie par l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. [...]
[...] - Quant au troisième grief : Le IV de l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 modifiée a prévu que la CADES verse au budget général de l'Etat chaque année, de 1996 à 2000, une somme de 12,5 milliards de francs puis, en 2001, une somme de 12,15 milliards de francs. Ces versements ont été fixés à 3 milliards d'euros chaque année, pour les années 2002 à 2005. La loi de règlement pour 2005 se borne à retracer la comptabilisation en recette budgétaire du versement qui a été effectué par la CADES conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1996. Ce versement constitue un " produit divers " relevant des " ressources permanentes " citées à l'article 3 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. [...]
[...] Il doit, à ce titre, être retracé dans le budget. De plus, le Conseil constitutionnel s'était déjà prononcé sur le bien- fondé de la comptabilisation de cette recette à l'occasion du recours formé contre la loi de finances initiale pour 2002 (décision n°2001- 456 DC du 27 décembre 200). Il a ainsi pu considéré que les dispositions instituant ces versements au budget général de l'Etat selon un échéancier précis n'établissaient aucun lien juridique entre les versements de la Caisse à l'Etat et les conditions de remboursement de la dette de la sécurité sociale. [...]
[...] Face à ces griefs, les juges du Conseil constitutionnel ont développé une argumentation solide, essentiellement fondée sur le texte de l'ordonnance du 2 janvier 1959. La décision du Conseil constitutionnel : une application stricte de l'ordonnance de 59 - Concernant le premier grief : la loi de règlement a pour objet, notamment, de constater les résultats des opérations de toute nature intervenues pour l'exécution du budget et d'établir le compte de résultat de l'année. Celle-ci ne peut donc que retracer, à partir des comptes, les ordonnancements de dépenses et les encaissements de recettes, quelle que soit la régularité des opérations effectuées. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture