Maurice Hauriou, lorsqu'il parlait de la police administrative et de son rôle dans le maintien de l'ordre public, disait d'elle qu' « elle n'essaie point d'atteindre les causes profondes du mal social » mais qu' « elle se contente de rétablir l'ordre matériel ». Il ajoutait que, si elle l'essayait, « elle verserait immédiatement dans l'inquisition et dans l'oppression des consciences à cause de la lourdeur de son mécanisme ».
Les activités de l'Administration sont de deux types. La première, le service public, a pour but de fournir des prestations d'intérêt général. La seconde, en revanche, a un caractère purement normatif : on parle de police administrative. Cette dernière a pour but la protection de l'ordre public qui se décompose en trois éléments que sont la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique en vertu de l'article L. 131-2 du code des communes. Cette trilogie classique, qui correspond aux buts que doit poursuivre toute autorité de police administrative générale afin d'assurer cet ordre « matériel et extérieur » a été complétée par diverses considérations contemporaines touchant la moralité publique (comme c'est le cas en l'espèce), bien qu'aucun élément de la définition n'y fasse allusion. Alors que la moralité publique impose simplement aux individus de se conformer à "un minimum d'idées morales naturellement admises, à une époque donnée, par la majorité des individus", la mise en œuvre de son respect par les autorités de police administrative semble complexe et peut donner lieu des dérives.
Dans un premier arrêt du Conseil d'état datant du 26 juillet 1985, le problème portait sur la projection d'un film nommé « Le pull over rouge » dans la commune d'Aix en provence. Bien que la diffusion du film (qui fut jugé conforme aux bonnes mœurs et sans influence sur la moralité publique) était permise sur le territoire national par le ministère chargé du contrôle préventif, le maire de la ville d'Aix en provence, en vertu de ses pouvoirs de police administrative, décida d'en interdire la projection dans sa commune par un arrêté. La société gaumont exerca alors un recours pour excès de pouvoir auprès du tribunal administratif de marseille qui lui donna gain de cause le 18 mars 1982. La ville d'Aix en provence décida alors de faire appel devant le Conseil d'état.
[...] Commentaire comparé d'arrêts CE 1985 Ville d'Aix en Provence C. Société Gaumont distribution et autres / CE 1995 Commune de Morsang sur Orge Maurice Hauriou, lorsqu'il parlait de la police administrative et de son rôle dans le maintien de l'ordre public, disait d'elle qu' elle n'essaie point d'atteindre les causes profondes du mal social mais qu' elle se contente de rétablir l'ordre matériel Il ajoutait que, si elle l'essayait, elle verserait immédiatement dans l'inquisition et dans l'oppression des consciences à cause de la lourdeur de son mécanisme Les activités de l'Administration sont de deux types. [...]
[...] En principe donc, les autorités de police ne peuvent agir qu'en cas de risque de troubles matériels à l'ordre public. Si le maire exerce seul ce pouvoir, sans contrôle du conseil municipal, il se doit de mesurer la portée de ses arrêtés comme le montre l'arrêt du conseil d'État en date du 12 novembre 1997 Communauté tibétaine en France et ses amis» le risque d'atteintes aux relations internationales de la France ne peut en aucun cas justifier l'interdiction d'une manifestation sur la voie publique, car elle ne comporte pas de risque de trouble à l'ordre public. [...]
[...] En effet pour qu'un tel arrêté, soit légal, il aurait fallu prouver l'existence de troubles qui seraient préjudiciables à l'ordre public en raison du caractère immoral du film et des circonstances locales particulières Il a été en effet admis (dans le domaine cinématographique), depuis les années cinquante, qu'en plus de la traditionnelle trilogie : sécurité, salubrité, tranquillité publiques, l'administration pouvait dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative générale, poursuivre un but de moralité publique. Dans le second cas d'espèce, le Conseil d'État annula, en assemblée, le jugement du tribunal administratif au motif que ce spectacle portait atteinte à la dignité de la personne humaine. Par cette décision, la jurisprudence relative à la moralité publique se trouve enrichie par une nouvelle composante : la notion de respect de la dignité de la personne humaine. [...]
[...] A') Le respect de la dignité de la personne humaine, composant de l'ordre public C'est l'apport majeur de l'arrêt Commune de Morsang sur Orge en date du 27 octobre 1995. Le Conseil d'État reconnaît explicitement que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public Dès lors, toute autorité de police administrative peut prendre une mesure ayant pour but la prévention ou la répression des atteintes à la dignité de la personne humaine. [...]
[...] Certes, le respect de la dignité humaine fait partie de la moralité publique, mais le Conseil d'État s'est bien gardé d'énoncer l'assimilation de la moralité publique à l'ordre public précisément pour éviter ce risque de généralisation de la notion et pour pouvoir garder un contrôle sur son champ d'application. Ainsi, les détenteurs du pouvoir de police administrative générale ne pourront-ils pas se fonder de façon extensive sur la notion de moralité publique pour interdire des activités qui sont contraires à leur philosophie et non à l'ordre public. Mais, si un doute existe en l'espèce quant aux conséquences matérielles que pouvait avoir la diffusion d'un film sur une population donnée (arrêt Aix-en-Provence), il est clair que le lancer de nains ne créait aucun risque de désordre public. [...]
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