« De minimis non curat praetor » : le juge n'a cure des broutilles. Ce célèbre adage traduit bien la situation des mesures d'ordre intérieur (MOI). En effet, ce sont des décisions trop peu importantes pour que le juge administratif s'en occupe. Toutefois, la jurisprudence du Conseil d'État évolue et certaines décisions qui étaient considérées comme des MOI n'en sont plus.
Force est de constater que ces arrêts Planchenault de la Cour administrative d'appel de Nantes du 29 juin 2005, et du Conseil d'État du 14 décembre 2007 traduisent cette évolution du juge administratif.
En l'espèce, la directrice de la maison d'arrêt de Nantes a déclassé dans l'intérêt du service de son emploi d'auxiliaire de cuisine un détenu, M. Planchenault, par décision du 12 juillet 2001.
Ce dernier a donc formé un recours hiérarchique afin de voir cette décision annulée. Il s'agit d'un recours que peuvent exercer les administrés contre une décision prise par une autorité administrative. C'est une demande de réexamen du dossier par l'administration, qui se distingue donc du recours contentieux formé devant le juge administratif.
[...] Comme dans le cas des règles de procédure, seule la violation d'une règle de forme substantielle peut constituer un vice de forme entraînant, le cas échéant, l'annulation de l'acte. La motivation, c'est l'action par laquelle l'autorité administrative expose les motifs de sa décision, c'est-à-dire les raisons de fait et de droit qui justifient sa décision. Cette condition de légalité externe bien que fondamentale n'a pas reçu de consécration du Conseil d'Etat puisque les décisions administratives n'ont en principe pas besoin d'être motivées. [...]
[...] Un acte administratif doit être pris dans le respect des règles de procédure en vigueur. Cependant, le juge n'a pas voulu enfermer l'administration dans un formalisme étroit et vide de sens. C'est pourquoi la jurisprudence distingue d'une part, les formalités substantielles, c'est- à-dire les formalités dont le respect s'impose à l'administration ; et d'autre part, les formalités non substantielles, c'est-à-dire les formalités que l'administration peut méconnaître sans commettre d'illégalité. Une formalité substantielle est une règle de procédure obligatoire dont la méconnaissance totale ou partielle exerce une influence déterminante sur le sens de la décision dont elle régit l'édiction. [...]
[...] Il y a un article 13 dans la CEDH qui proclame le droit au recours contre les décisions administratives, et les MOI sont contraires à cet article. La Cour européenne a de ce fait plusieurs fois condamné la France. Le célèbre arrêt Ramirez Sanchez en témoigne (CEDH janvier 2005, Ramirez Sanchez) : Carlos le terroriste a été arrêté et maintenu en détention de nombreuses années en France, et souvent soumis à un régime disciplinaire assez dur. La France a été condamnée par la Cour de Strasbourg par le fait qu'on lui refusait d'examiner les recours qu'il avait fait. [...]
[...] Lorsque le juge administratif fait face à une hypothèse dans laquelle on est en compétence liée, c'est-à-dire que l'on doit prendre une décision et que celle-ci est unique, alors la qualification juridique détermine l'acte. Ainsi donc, le juge contrôlera cette qualification juridique des faits, et son contrôle est un contrôle normal. Lorsqu'il est en revanche face à une hypothèse de pouvoir discrétionnaire, le juge a une certaine réticence à contrôler la qualification juridique des faits. En effet, il va préférer ne contrôler qu'uniquement l'erreur manifeste d'appréciation (EMA). L'EMA c'est l'erreur que tout le monde, même un non-juriste, pourrait voir. Le juge ici ne va sanctionner que l'erreur grave. [...]
[...] Et c'est ce qui a été le cas en l'espèce : le juge a opéré un contrôle de la qualification juridique des faits dans une hypothèse de pouvoir discrétionnaire. Le Conseil d'Etat relève en l'espèce que M. Planchenault faisait preuve d'une mauvaise volonté à accomplir les tâches qui lui étaient dévolues. En outre, qu'il venait peu en aide aux autres détenus et qu'il entretenait un climat conflictuel. La décision de déclassement n'était donc pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, aucun des moyens invoqués de légalité externe et de légalité interne n'est accueilli par le Conseil d'Etat. De ce fait, la requête de M. [...]
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