L'autonomie des collectivités territoriales, qui s'exprime notamment par leur pouvoir réglementaire local, est bien souvent remise en question, en particulier lorsque le pouvoir réglementaire national s'attache à déterminer les conditions d'exercice de cette compétence. C'est ce qu'illustre l'avis du Conseil d'État du 20 mars 1992, Préfet du Calvados.
En l'espèce, une loi du 28 novembre 1990 modifie une loi du 26 janvier 1984 en vigueur, pour permettre aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux de fixer les régimes indemnitaires de leurs agents publics. Une délibération du conseil général du Calvados en date du 11 février 1991 institue, en application de la loi précitée, un nouveau régime indemnitaire pour le personnel du département. Le préfet du Calvados intente un recours gracieux contre cette délibération, recours que le conseil général rejette par une délibération en date du 24 juin 1991. Le préfet défère cette dernière délibération au tribunal administratif de Caen, qui par un jugement en date du 19 novembre 1991, transmet ce déféré au Conseil d'État en lui posant la question de savoir si les dispositions de l'article 13 de la loi du 28 novembre 1990 modifiant l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 sont entrées en vigueur dès leur publication.
[...] Le Conseil d'État, par un avis du 20 mars 1992, considère que lesdites dispositions ne sont pas entrées en vigueur dès la publication de la loi du 28 novembre 1990. Il considère qu'étant donné qu'un décret en Conseil d'État doit déterminer les conditions d'application de la loi, les dispositions de celle-ci sont avant l'édiction du décret insuffisamment précise pour que leur application soit possible, notamment en l'absence de détermination des conditions de mise en oeuvre de la règle selon laquelle les régimes indemnitaires sont fixés dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État Cet avis du Conseil d'État vient trancher des incertitudes d'application dans le temps d'une loi attribuant une compétence réglementaire, mais qui prévoit l'intervention d'un décret d'application. [...]
[...] Cela laisse transparaître le ralliement du Conseil d'État à la conception réductrice du pouvoir réglementaire local. Le ralliement du Conseil d'État à la conception réductrice du pouvoir réglementaire local Le Conseil d'État tranche entre les deux conceptions doctrinales du pouvoir réglementaire local : il rejette le principe de la dévolution directe par la loi du pouvoir réglementaire local et consacre la primauté de la réglementation nationale d'application des lois sur la libre administration des collectivités territoriales Le rejet de la dévolution directe par la loi du pouvoir réglementaire local Selon la conception dite extensive du pouvoir réglementaire local, exprimée notamment par le doyen Maurice Bourjol, les autorités locales tirent ce pouvoir directement de l'habilitation législative, et peuvent en déterminer seules les modalités d'exécution. [...]
[...] ) ne sont pas suffisamment précises pour que leur application soit possible avant l'intervention d'un décret en Conseil d'État En cela, le juge prétend implicitement que la loi a prévu elle-même que son entrée en vigueur ne se produirait qu'après l'intervention d'un tel décret, qui n'a été édicté que le 6 septembre 1991. Pour cela, il se fonde sans aucun doute sur l'expression en tant que de besoins et tire de l'article 88 un besoin d'une détermination ultérieure des conditions de son application. Cette solution semble assez marginale : Olivier Jouanjan, dans son commentaire de l'avis à la Semaine Juridique, écrit, à la lumière de l'arrêt du Conseil d'État du 12 mars 1975, M. [...]
[...] L'imprécision de la loi ne joue même pas comme une exception au principe de l'habilitation législative, au contraire, puisque comme Bertrand Faure l'écrit, par une légalité voulue floue, le législateur donne le droit aux collectivités de préciser librement les modalités d'application de la loi L'autonomie réglementaire des collectivités territoriales est remise en cause, d'autant plus que la primauté de la réglementation nationale d'application des lois sur la libre administration des collectivités territoriales est consacrée par le Conseil d'État. La consécration de la primauté de la réglementation nationale d'application des lois sur la libre administration des collectivités territoriales Le juge administratif se rallie davantage à la conception restrictive voire négatrice du pouvoir réglementaire local. Selon les tenants de cette thèse, parmi lesquels le chef d'orchestre de la décentralisation, Gaston Defferre, l'article 21 de la Constitution accorde un monopole du pouvoir réglementaire au premier ministre, ou du moins un monopole de sa délégation à d'autres autorités. [...]
[...] ) Il est vrai que la manière dont sont fixés les régimes indemnitaires mentionnés, les règles qui s'y appliquent ou encore la définition de la limite posée par ceux dont bénéficient les différents services de l'État ne sont pas précisées d'emblée. Pour autant, l'article 34 de la Constitution déterminant le domaine de la loi dispose que la loi détermine les principes fondamentaux ( . ) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources Et le Conseil d'État, en souhaitant une précision supplémentaire de cette loi, semble outrepasser le simple champ des principes fondamentaux Mais pour éviter une telle carence dans son raisonnement, le juge se fonde également sur une autre disposition de la loi. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture