Maurice Hauriou a déclaré n'avoir « jamais aimé les questions préjudicielles et les questions de procédure » et proposait la suppression graduelle des questions préjudicielles. La question préjudicielle est un point litigieux dont la solution doit précéder celle de la principale qu'elle commande, mais ne pouvant être tranchée par la juridiction saisie. La juridiction devant laquelle se pose cette question doit ainsi surseoir à statuer jusqu'à ce qu'elle soit résolue devant la juridiction compétente pour en connaître.
Le contentieux par voie d'exception signifie que cette question préjudicielle, apparue à l'occasion d'un litige principal, met en cause la légalité d'un acte administratif, de telle sorte que la légalité de cet acte va conditionner l'issue du litige. Si ce litige principal a lieu devant une juridiction administrative, il est ainsi naturel qu'elle examine la question préjudicielle. De même, l'article 111-5 du Code pénal offre au juge judiciaire répressif une plénitude de juridiction lui permettant ainsi d'apprécier lui-même la légalité des actes administratifs. Cependant, si la question préjudicielle est soulevée devant une juridiction judiciaire non répressive (à l'exception du juge fiscal, bénéficiant d'une plénitude de juridiction), la jurisprudence Septfonds du Tribunal des conflits (Tribunal des conflits, Septfonds, 1923) pose le principe selon lequel le juge d'une juridiction judiciaire répressive est incompétent pour apprécier la légalité des actes administratifs, et est obligé de surseoir à statuer après avoir saisi le juge administratif. Le principe de séparation des autorités judiciaire et administrative impose logiquement cette séparation des compétences entre ces deux autorités. Mais la jurisprudence Septfonds a subi plusieurs atténuations ; dont deux nouvellement affirmées par la décision SCEA du Chéneau datant du 17 octobre 2011.
[...] Cette deuxième affirmation du Tribunal des conflits a contribué à l'assouplissement de cette incompétence du juge judiciaire : 2. Une exception à la compétence exclusive du juge administratif à la condition d'une "jurisprudence établie" Le Tribunal des conflits a profité de la situation pour affirmer une seconde solution disposant que le juge judiciaire peut désormais contrôler la légalité des actes administratifs dont l'illégalité est manifeste. Cette deuxième affirmation du Tribunal des conflits procède d'un obiter dictum, la question n'étant pas soulevée dans le conflit qui lui a été soumis. [...]
[...] Elle peut désormais contrôler la légalité d'actes administratifs, qui lui sont soumis par voie d'exception alors qu'elle est juge au principal, au regard du droit de l'Union européenne. Cela emporte plusieurs conséquences. Premièrement, cela simplifie radicalement la procédure. Deuxièmement, cela marque un pas vers une conformation nécessaire du droit français avec le droit européen. Mais les fondements de cette solution semblent relativement fragiles, notamment par le choix du Tribunal des conflits d'écarter l'article 55 de la Constitution. B. Des fondements ambigus 1. [...]
[...] La décision du Tribunal des conflits prend en compte la jurisprudence depuis longtemps affirmée par la Cour de cassation selon laquelle le juge judiciaire non répressif peut opérer un contrôle de légalité d'un acte administratif au regard de l'Union européenne et va au-delà en affirmant que le juge judiciaire non répressif peut également contrôler la légalité des actes administratifs dont l'illégalité est manifeste (II). I. La compétence du juge judiciaire élargie au contrôle de légalité des actes administratifs au regard du droit de l'Union européenne Le Tribunal des conflits cède devant la jurisprudence unanime des chambres de la Cour de cassation selon laquelle le juge judiciaire est compétent pour contrôler la légalité des actes administratifs au regard du droit de l'Union européenne mais les fondements de sa solution sont relativement ambigus A. Un assouplissement de l'incompétence du juge judiciaire 1. [...]
[...] Cette solution est affirmée au nom de l'exigence d'une bonne administration de la justice. B. L'exigence d'une bonne administration de la justice 1. Des fondements constitutionnels L'exigence d'une bonne administration de la justice est le principe invoqué par le Tribunal des conflits au soutien de cette solution nouvelle. La possibilité accordée au juge civil de contrôler la légalité des actes administratifs dont l'illégalité est manifeste constitue une simplification considérable de la procédure lente et coûteuse que représente la question préjudicielle. [...]
[...] Mais la jurisprudence Septfonds a subi plusieurs atténuations ; donc d'eux nouvellement affirmées par la décision SCEA du Chéneau datant du 17 octobre 2011. Cette décision opère un assouplissement de l'incompétence de principe du juge judiciaire concernant le contrôle de la légalité des actes administratifs en autorisant ce contrôle lorsqu'est en jeu une norme de l'Union européenne ; et également lorsque l'illégalité de l'acte en question est manifeste si une jurisprudence est établie en ce sens. En l'espèce, des producteurs de porc et de lait (la SCEA du Chéneau, l'interprofession nationale porcine et Centre national interprofessionnel de l'économie laitière) ont contesté devant le tribunal de grande instance la légalité d'arrêtés ministériels rendant obligatoires des cotisations interprofessionnelles volontaires en sollicitant le remboursement de ces cotisations. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture