L'arrêt Blanco, ou comment entériner les plus grands principes de la matière administrative, à savoir son autonomie et sa spécificité, en seulement trente lignes. Il n'en reste pas moins l'un des plus grands arrêts de la jurisprudence administrative. Encore que cette célébrité n'a pas été immédiate. En effet, il convient de préciser que l'arrêt Blanco a fait l'objet d'une reconstruction mythologique du droit administratif opérée au XX° siècle sous l'influence du commissaire du Gouvernement Jean Romieu. Avant cette date, l'arrêt Blanco n'était pratiquement pas cité, ni dans les œuvres doctrinales, ni dans les conclusions de commissaires du gouvernement.
Cet arrêt, laconique, ne précise pas les faits de l'affaire puisqu'il ne s'agit pas de les juger mais de les attribuer à la compétence d'une juridiction (administrative ou judiciaire, le suspens reste entier). Rappelons-les tout de même. Une enfant de 5 ans, Agnès Blanco, a dû être amputée suite aux blessures causées par un wagonnet utilisé dans une manufacture de tabac appartenant à l'Etat.
Le père de l'enfant a donc saisi le tribunal judiciaire d'une action en dommages et intérêts contre l'Etat. Ce dernier serait civilement responsable des fautes commises par les ouvriers de la manufacture. De son côté, le Préfet de la Gironde estime que les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour statuer sur cette action et adresse un déclinatoire de compétence au juge judiciaire, lui demandant par là même de se dessaisir du litige. Le juge judiciaire ayant refusé, le Préfet prend un arrêté de conflit dans lequel il constate ce refus, aussi appelé conflit positif consommé. Le conflit a été élevé, autrement dit porté devant le tribunal des Conflits, composé à parité de magistrats du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation et créé en 1848 pour trancher les litiges entre l'ordre juridique administratif et l'ordre juridique judiciaire. Ce tribunal, dans un délai de trois mois, a choisi de confirmer l'arrêté de conflit dont la procédure est prévue par l'ordonnance du 1er juin 1828 faisant partie intégrante du visa de l'arrêt.
Cet arrêt présente un double intérêt. L'un concerne la responsabilité de l'Etat. En effet, en consacrant cette responsabilité, cet arrêt met fin à une longue tradition d'irresponsabilité qui ne trouvait d'exception qu'en cas de responsabilité contractuelle ou d'intervention législative. Mais cet aspect ne sera pas ici notre objet. D'autre part, il présente un intérêt quant à la compétence des juridictions administratives chargées notamment de trancher les litiges relevant du contentieux administratif.
Le problème de droit posé aux juges du tribunal de conflit était de savoir à qui il convenait de confier le litige. Lequel des deux ordres de juridictions, c'est-à-dire des deux ensembles autonomes et hiérarchisés de juridictions, était compétent ? Cela amène par là même à se demander sur quel principe une telle consécration va déboucher, et quelle sera la portée de cette décision. Il nous incombera donc de déterminer quel est le raisonnement su juge.
Pour ce faire, nous verrons dans quelle mesure cet arrêt énonce le particularisme du droit administratif avant de nous intéresser à la proclamation de son indépendance par rapport aux juridictions judiciaires.
[...] Ce dernier serait civilement responsable des fautes commises par les ouvriers de la manufacture. De son côté, le Préfet de la Gironde estime que les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour statuer sur cette action et adresse un déclinatoire de compétence au juge judiciaire, lui demandant par là même de se dessaisir du litige. Le juge judiciaire ayant refusé, le Préfet prend un arrêté de conflit dans lequel il constate ce refus, aussi appelé conflit positif consommé. Le conflit a été élevé, autrement dit porté devant le tribunal des Conflits, composé à parité de magistrats du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation et créé en 1848 pour trancher les litiges entre l'ordre juridique administratif et l'ordre juridique judiciaire. [...]
[...] La manufacture des tabacs est considérée comme une activité de service public de l'Etat. Or, le Code civil a été établi afin de régir les rapports entre les particuliers, et l'unique raison donnée par la Cour de cassation pour faire rentrer ses réclamations dans la compétence judiciaire était tirée de ce que l'article 1384 du Code civil état applicable à l'Etat. Or, l'Etat ne peut être considéré comme un particulier, et ce pour 2 raisons -le rôle de l'Etat, lorsqu'il accomplit un service public, n'est pas volontaire mais obligatoire et imposé dans l'intérêt général -ces services sont très étendus et comportent un nombre d'agents faramineux, d'agents auxiliaires, d'employés, de gens de services et les conditions de leur nomination ne laissent pas toujours à l'administration la liberté de son choix. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt Tribunal des Conflits février 1873, Blanco L'arrêt Blanco, ou comment entériner les plus grands principes de la matière administrative, à savoir son autonomie et sa spécificité, en seulement trente lignes. Il n'en reste pas moins l'un des plus grands arrêts de la jurisprudence administrative. Encore que cette célébrité n'a pas été immédiate. En effet, il convient de préciser que l'arrêt Blanco a fait l'objet d'une reconstruction mythologique du droit administratif opérée au siècle sous l'influence du commissaire du Gouvernement Jean Romieu. [...]
[...] Mais cette vision présente un caractère manichéen que la réalité ne peut appliquer à la lettre. B. Des frontières de plus en plus poreuses entre le droit administratif et le droit privé 1.Un antagonisme atténué par l'application du droit privé par le juge administratif et l'application du droit administratif par le juge judiciaire Il arrive au juge administratif de viser des dispositions du Code civil, ce qui n'affecte nullement l'autonomie du droit administratif parce que le juge administratif n'a pas l'obligation de statuer conformément au Code civil. [...]
[...] Mais alors, les actes administratifs ne peuvent-ils jamais faire l'appréciation d'une juridiction différente ? L'arrêt Blanco ne méconnaît-il pas une part de la vérité ? Sur quel raisonnement le Tribunal des conflits s'est-il appuyé pour affirmer cela ? II. L'affirmation maladroite et incomplète de l'autonomie du droit administratif L'arrêt Blanco affirme solennellement l'autonomie et le critère du droit administratif. Mais le raisonnement déroulé par le Tribunal des conflits connaît des exceptions qui caractérisent d'une façon plus générale la flexibilité des frontières entre les deux ordres de juridiction A. [...]
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