L'arrêt SCEA du Chéneau du Tribunal des conflits du 17 octobre 2011 vient compléter la jurisprudence Septfonds du 16 juillet 1923, en venant donner plus de pouvoir au juge judiciaire pour l'appréciation d'actes administratifs, dans un objectif de bonne administration de la justice et du droit à être jugé dans un délai raisonnable.
La SCEA du Chéneau, d'autres sociétés à l'interprofession nationale porcine et d'autres ont versé, en application d'accords interprofessionnels rendus obligatoires par des arrêtés interministériels pris en application des articles L. 632-3 et L. 632-12 du code rural et de la pêche maritime, des cotisations interprofessionnelles dont le versement était auparavant volontaire. La SCEA du Chéneau et autres intentent une action devant le tribunal de grande instance de Rennes contre M. A et autres au Centre national interprofessionnel de l'économie laitière, afin d'obtenir le remboursement de ces cotisations. Les demandeurs se fondent, pour demander le remboursement, sur le fait que les cotisations auraient été exigées en application d'un régime d'aide d'État irrégulièrement institué, car il n'a pas été préalablement notifié à la Commission européenne, en application des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le préfet de la région Bretagne et préfet d'Ille-et-Vilaine présente deux déclinatoires demandant au tribunal de grande instance de se déclarer incompétent pour connaître de ce litige, et poser à la juridiction administrative une question préjudicielle. Par jugements du 18 avril 2011, le tribunal de grande instance rejette ces déclinatoires. Par conséquent, le préfet élève le conflit par arrêtés du 9 mai 2011.
[...] Le juge national doit cependant renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne s'il ne s'estime pas compétent pour apprécier la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Le Tribunal des Conflits donne ainsi un réel pouvoir d'interprétation des actes administratifs au juge judiciaire, sans qu'il y ait besoin d'une jurisprudence établie, lorsqu'il s'agit de déterminer la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Pour dégager ce principe, le Tribunal s'appuie sur le traité sur l'Union européenne et sur le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, mais également de l'article 88-1 de la Constitution, qui dispose que La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. [...]
[...] En effet, un grand nombre des litiges civils implique la mise en œuvre d'une disposition administrative, il aurait été impossible de demander au juge judiciaire de surseoir à statuer, sauf à empêcher le fonctionnement de la justice judiciaire. En outre, le juge judiciaire peut interpréter les lois, il aurait donc été aurait été paradoxal de dire qu'il n'était pas habilité à interpréter un acte réglementaire. Néanmoins, cette solution était incomplète, en effet le juge pouvait interpréter un acte réglementaire, mais le juge civil était incompétent pour apprécier la légalité des actes administratifs, ce qui rendait difficile l'application du droit de l'Union européenne puisqu'un juge judiciaire ne pouvait pas directement écarter un acte administratif contraire au droit européen. [...]
[...] Pauline Rémy-Corlay a remarqué par ailleurs qu'il était troublant que compétentes pour dire si un texte interne est internationalement conforme, nos deux juridictions (Conseil d'État et Cour de cassation) ne puissent refuser d'appliquer un même texte pour défaut de conformité à la constitution . (RTD civ 735). En effet, même si les frontières entre juridiction administrative et juridiction judiciaire deviennent donc ténues, le Conseil Constitutionnel lui garde une certaine autonomie, aucun autre organe ne pouvant apprécier la conformité d'un texte à la Constitution. [...]
[...] Les demandeurs se fondent, pour demander le remboursement, sur le fait que les cotisations auraient été exigées en application d'un régime d'aide d'État irrégulièrement institué, car il n'a pas été préalablement notifié à la Commission européenne, en application des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le préfet de la région Bretagne et préfet d'Ille-et-Vilaine présente deux déclinatoires demandant au tribunal de grande instance de se déclarer incompétent pour connaître de ce litige, et poser à la juridiction administrative une question préjudicielle. Par jugements du 18 avril 2011, le tribunal de grande instance rejette ces déclinatoires. Par conséquent, le préfet élève le conflit par arrêtés du 9 mai 2011. [...]
[...] Un élargissement de la compétence du juge judiciaire quant à l'appréciation de la validité d'un acte administratif Le Tribunal des Conflits atténue le principe d'exclusivité de la compétence du juge administratif pour l'appréciation de la légalité d'un acte administratif en élargissant la compétence du juge judiciaire. Il décide en effet que le juge judiciaire n'est pas tenu de surseoir à statuer lorsqu'une question de légalité d'un acte administratif se pose devant lui et il apparaît qu'« au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal c'est-à-dire que lorsque la jurisprudence administrative concernant ce même type d'acte est assez claire et établie dans le temps, le juge judiciaire peut apprécier lui-même la légalité de l'acte. [...]
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