Une personne est victime d'un vol de son véhicule, lequel est abandonné par le voleur aux abords de la gare SNCF de Collonges-au-Mont-d'Or. Pour effacer les traces de son méfait, le délinquant met le feu au véhicule. Malencontreusement le feu se propage, endommageant un site sur lequel la SNCF avait entrepris d'effectuer des travaux d'entretien. La SNCF assigne alors le propriétaire du véhicule en paiement du montant des dommages engendrés par le sinistre.
Il s'agit pour la Haute juridiction de savoir à qui incombe la responsabilité de la dégradation du domaine public par un véhicule volé.
Le Conseil d'Etat va confirmer la décision d'appel de rejet de la responsabilité du propriétaire, en substituant toutefois des motifs qu'elle considère comme juridiquement erronés. Selon lui, la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait la chose qui a été la cause du dommage ; que le propriétaire d'un véhicule volé, dès lors qu'il n'a plus la garde de ce véhicule, ne peut par suite être tenu pour l'auteur de la contravention de grande voirie causée par ce véhicule.
Cette décision est intéressante en ce qu'elle consacre un revirement jurisprudentiel important faisant suite à la position traditionnelle du juge administratif de considérer comme passible de la contravention de grande voirie le propriétaire du véhicule volé, à contre-courant de la position du juge judiciaire.
[...] La présente décision a une vertu essentielle, celle d'abroger la situation souvent inique à laquelle était confronté la victime d'un vol de voiture, laquelle avait, par la suite de ce vol, provoqué des dommages aux biens du domaine public, victime obligée de réparer le dommage causé par autrui Cette décision tardive révèle encore une fois un certain conservatisme de la haute juridiction administrative. On se rappelle en effet que, dans un tout autre domaine, le Conseil d'Etat avait hésité à suivre le chemin de la Cour de cassation concernant le contrôle de compatibilité des traités par rapport à la loi. Il avait fallu attendre 1989 et l'arrêt Nicolo pour que le Conseil s'aligne timidement sur la décision Jacques Vabres de la Cour de cassation de 1975 s'arrogeant ce contrôle de conventionalité. [...]
[...] Le tribunal administratif de Lyon juge responsable le propriétaire du véhicule, le condamnant à verser à la SNCF le montant de la réparation des installations endommagées et ordonnant une expertise aux fins de détermination de ce montant. Ainsi débouté, le propriétaire interjette appel devant la Cour administrative d'appel de Lyon. Cette dernière va lui donner raison, estimant qu'en ne clôturant pas un chantier situé à un vingtaine de mètres de la voie publique, la SNCF avait commis une faute de nature à exonérer totalement M. Chevallier de sa responsabilité. [...]
[...] Cette jurisprudence a longtemps été maintenue (CE 24 octobre 1984, Anselin) or que fait la Cour administrative d'appel dans notre arrêt d'espèce, qui doit juger un cas similaire? On pourrait déceler dans cet arrêt le sentiment de la Cour qu'une condamnation du propriétaire du véhicule à payer une contravention de grande voirie serait réellement inique. Ainsi recherche-t-elle une cause d'exonération du propriétaire du véhicule qui, eu égard aux faits, ne semble pas dénuée de fondement. En effet, la SNCF avait déployé aux abords de la gare un chantier dont l'absence de clôture avait favorisé l'extension des dégâts causés par l'explosion du véhicule. [...]
[...] Toutefois, l'observation de la jurisprudence administrative en matière de contraventions de grande voirie permet de constater que le juge administratif à également recours à cette notion: c'est l'utilisateur, locataire d'un engin qui a causé des dommages qui doit être poursuivi, et non le propriétaire de cet engin (CE 25 octobre 1968, Ministre des P et T Entreprise Roussey) ; et dans le cas où les travaux dommageables sont le fait d'un sous-traitant, c'est lui qui doit être poursuivi et non l'entrepreneur principal (CE 19 mars 1982, Sté SCREG). La notion de garde était donc consacrée avant même l'arrêt Sogeba et n'avait pas un sens différent à celle retenue par le droit civil. Là encore, l'arrêt d'espèce emprunte sa solution à l'esprit du juge civil, en tournant le dos à la jurisprudence Chotard-Chavanon. [...]
[...] Si la Cour recherche les causes d'exonération, c'est qu'elle a considéré que le propriétaire du véhicule était bien responsable en l'espèce et passible de la contravention de grande voirie en vertu de la jurisprudence Chotard-Chavanon. Cette attitude, tel qu'on l'a vu plus haut, semble constituer néanmoins un appel du pied de la juridiction d'appel à l'égard du Conseil d'Etat pour rétablir une situation inéquitable pour le propriétaire, victime du vol. B - Une substitution de motif au profit d'un revirement jurisprudentiel 1. [...]
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