« La République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » proclame l'article 1er de la constitution de 1958 qui semble donc poser le principe d'égalité comme fondement du système républicain qu'elle instaure. Affirmé comme principe à valeur constitutionnelle à maintes reprises par le Conseil constitutionnel, le principe d'égalité s'impose donc à l'Administration avec l'autorité que le Conseil d'État reconnait aux principes généraux du droit. Cependant, si ce principe à vocation absolue était déjà proclamé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans son article 1er, il est nécessaire de souligner que cette égalité n'est qu'une égalité de droit et que dans la réalité, ce principe perd sa simplicité apparente.
La Section du Contentieux du Conseil d'État a, dans ce contexte-là, rendu le 18 janvier 2013 une décision confirmant sa jurisprudence antérieure relative au principe d'égalité et à son application à la personne publique.
Dans le cadre de la politique gouvernementale d'extension de la gratuité des musées et des monuments nationaux aux jeunes de 18 à 25 ans, le Centre des monuments nationaux et le Musée du Louvre ont réservé le bénéfice de cette mesure aux ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen ainsi qu'aux résidents en situation régulière dans ces pays.
En l'espèce, le ministre de la Culture et de la Communication décide, par communiqué de presse, de rendre gratuit l'accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux pour les ressortissants âgés de 18 à 25 ans d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Une note de la directrice des musées de France, abrogée et remplacée par une note du directeur général des patrimoines, est venue préciser aux organes dirigeants des musées et monuments nationaux les modalités de mise en oeuvre de cette mesure de gratuité. En application de cette note, diverses décisions des musées et monuments nationaux ont été rendues par lesquelles l'accès aux collections a été rendu gratuit pour certains visiteurs âgés de 18 à 25 ans.
[...] Cependant, cette dérogation au principe d'égalité par la présence d'un intérêt général se doit elle aussi d'être justifiée et cette justification appelle à une différence de traitement qui ne serait pas manifestement disproportionnée avec les motifs qui justifieraient ce traitement différencié. Il est nécessaire ici que l'intérêt général justifie véritablement et effectivement la différence de traitement. Il ne faudrait pas invoquer la présence d'un intérêt général pour prendre des mesures discriminatoires n'ayant aucun rapport ou étant manifestement disproportionnées avec le même intérêt général, et rendre ainsi les conséquences, que ces mesures engendreraient sur le traitement des bénéficiaires du service public concerné, totalement illégitimes, mais surtout illégales. [...]
[...] Pour faire exception au principe d'égalité, il faut que les conséquences que tire l'Administration de cette exception soient adaptées à l'intérêt général justifiant la dérogation au principe d'égalité. Le Conseil constitutionnel, dans ce cadre-là, avait rendu une décision le 19 décembre 2009 relative à la loi de finances de l'année 2010 dans laquelle il avait censuré la loi instituant une «contribution carbone» car les considérables exemptions qu'elle accordait à des secteurs industriels produisant des gaz à effet de serre étaient contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient ainsi une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. [...]
[...] En effet, au regard d'une différence objective de situation des potentiels bénéficiaires de la mesure de gratuité, le Conseil d'Etat s'accorde à dire qu'une différence de traitement à leur égard pourrait être instituée. Le juge administratif considère donc qu'au regard de la nature du service public confié au centre et au musée, il était possible pour les établissements concernés de distinguer objectivement les personnes qui ont vocation à résider durablement sur le territoire national des autres qui ont une vocation à résider de manière passagère sur le territoire. [...]
[...] En effet, la gratuité concédée n'a pas tellement de justification ni d'intérêt pour les personnes qui ne sont pas appelées à résider durablement sur le territoire. Le principe d'égalité ne s'oppose donc pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit. Ainsi, dans notre décision rendue par le conseil d'Etat rendue le 10 mai 1974 dans laquelle il était question d'une différence des tarifs du péage pour l'usage du pont entre les habitants permanents d'une île et les habitants du continent, le Conseil d'Etat s'était déjà assuré que la différence existait bien et qu'elle était en relation avec la loi et ses objectifs ou avec le fonctionnement du service, mais aussi que l'Administration n'en avait pas tiré des conséquences excessives ou injustifiées. [...]
[...] Si la première série de mesures a été annulée par le Conseil d'Etat au motif de sa non-conformité avec le droit communautaire qui estime que ce bénéfice de la gratuité devait être étendu aux ressortissants de l'Union européenne qui disposent dans un autre pays de l'UE ou de l'Espace économique européen du même droit de séjour durable, la demande d'annulation par l'association de la seconde série de mesures est-elle rejetée. En effet, l'institution d'une différence tarifaire selon des critères de nationalité ou de régularité du séjour implique l'existence soit de différences de situation de nature à justifier ces différences de traitement, soit de nécessités d'intérêt général en rapport avec la mission des établissements concernés et à condition que ces différences ne soient pas disproportionnées au regard des objectifs poursuivis. Or, le conseil d'Etat affirme que c'était le cas ici. [...]
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