« Droit mal acquis ne profite jamais », la jurisprudence du Conseil d'Etat rendue le 6 mars 2009 contredit cette maxime.
En l'espèce, M. Coulibaly, titulaire d'un doctorat en chirurgie dentaire de l'Université D'Abidjan, avait été inscrit en octobre 2004 au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes de l'Isère. Constatant deux ans plus tard qu'il avait commis une erreur de droit en estimant que M. Coulibaly était titulaire d'un diplôme lui permettant d'exercer en France la profession de dentiste (l'équivalence entre les diplômes français et ivoiriens n'étant pas avérée), ledit Conseil de l'ordre décide en juillet 2006 d'abroger cette inscription, cette décision étant confirmée par le conseil régional de l'ordre puis par le Conseil national quelques mois plus tard. M. Coulibaly forme alors un recours pour excès de pouvoir contre la décision du Conseil national et le Conseil d'Etat lui donne raison deux ans plus tard.
L'ordre des chirurgiens-dentistes peut-il remettre en cause près de deux ans plus tard l'inscription d'un dentiste à son tableau au motif qu'il vient de découvrir que ce dernier ne remplissait pas dès le départ les conditions nécessaires à une telle inscription ?
[...] Y était en cause une décision accordant à un fonctionnaire, conformément aux règles du droit de la fonction publique, ce que l'on nomme la protection fonctionnelle c'est-à-dire la prise en charge de sa défense par son employeur lorsqu'il est poursuivi en justice pour ses agissements dans le service (sauf si ces derniers constituent une faute personnelle). Le Conseil d'Etat décide que si le caractère créateur de droits de la décision interdit qu'elle soit retirée plus de quatre mois après sa signature, l'administration peut par contre l'abroger si elle constate, après avoir accordé cette protection, l'existence d'une faute personnelle. [...]
[...] Lorsqu'on lit l'arrêt du 6 mars 2009, on remarque que le considérant de principe est très proche de celui de l'arrêt Ternon, alors que l'arrêt de 2001 porte sur la question du retrait tandis que l'arrêt Coulibaly traite de l'abrogation. Cette large assimilation ne doit toutefois pas tromper dès lors qu'elle est en réalité incomplète A. Une large assimilation entre le régime de l'abrogation et celui de retrait. L'arrêt Coulibaly distingue trois hypothèses dans lesquelles l'abrogation est possible. Les deux premières sont prévues sans limitation de durée : lorsqu'il existe des dispositions législatives et réglementaires organisant un tel retrait ; lorsque l'autorité administrative satisfait à une demande du bénéficiaire de l'acte. [...]
[...] Ainsi, il incombe au conseil départemental de tenir à jour ce tableau et de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention circonstances postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir les conditions requises pour y figurer Autrement dit, un praticien ne remplissant plus (par exemple parce qu'il aurait perdu la nationalité française) les conditions nécessaires à l'inscription au tableau devra être radié de ce dernier à compter de la date où l'ordre aura constaté qu'il ne remplit plus les conditions nécessaires pour y être inscrit. Cette solution doit être mise en parallèle avec celle de l'arrêt de Section rendu un an plus tôt (CE mars 2008, Portalis). [...]
[...] Enrichissement de la liste des actes créateurs de droit. La notion d'acte créateur de droits est illustrée par une jurisprudence abondante et parfois fluctuante, qu'on songe aux actes pécuniaires, avant- hier créateur de droits (CE novembre 1922, Dame Cachet), hier non créateur de droits lorsque l'administration était en situation de compétence liée (CE octobre 1976, Buissière) et aujourd'hui à nouveau créateurs de droits (CE novembre 2002, Mme Soulier). Même s'il existe un débat sur ce point, on peut considérer que seuls les actes individuels sont susceptibles de créer des droits acquis, en principe au profit de leur destinataire mais parfois aussi au bénéfice de tiers (CE mai 1984, Epoux Poissonnier, un retrait de permis de construire crée des droits pour les voisins). [...]
[...] Rompant dans l'arrêt Ternon avec la logique de l'arrêt Dame Cachet poussée à son paroxysme dans l'arrêt Ville de Bagneux Assemblée Plénière mai 1966), le Conseil d'Etat ne fait plus désormais parfaitement coïncider délai de retrait et délai de recours juridictionnel. Autrement dit, un acte définitif (parce que les formalités de publicité n'auraient pas été correctement réalisées) ne peut plus être retiré, en cas d'illégalité, que dans un délai de quatre mois à compter de sa signature (CE décembre 2007, Société Bretim) et ce alors même qu'il pourrait encore faire l'objet d'un recours en annulation pour excès de pouvoir. [...]
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