L'arrêt rendu par le Conseil d'État le 17 décembre 1999 est passé à la postérité sous le nom de jurisprudence « Moine ». Ce dernier, ancien lieutenant, s'est rendu coupable de la mort d'un de ses hommes, M. Patissou, ce qui lui a valu son renvoi de l'armée. De plus, le ministre de la Défense a émis ensuite un titre exécutoire à son encontre visant à ce qu'il rembourse à l'État les indemnités versées à la famille de la victime. M. Moine a contesté ce titre et il a finalement été annulé une première fois par le Conseil d'État pour vice de procédure. Néanmoins après avoir corrigé ce vice, le ministre a réémis le même titre exécutoire. M.Moine le conteste donc encore une fois et c'est au Conseil d'État qu'il revient de trancher.
Ainsi ici il s'agit de savoir quelle définition juridique donner à la faute commise par M.Moine : autrement dit, s'il s'agit d'une faute de service ou d'une faute personnelle, car « si les fonctionnaires et agents ne sont pas pécuniairement responsables des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice est imputable à des fautes détachables de l'exercice de leurs fonctions ». La réponse à cette question conditionne d'ailleurs la réponse à la seconde question qui se pose dans cet arrêt, à savoir le fondement légal de l'action récursoire de l'État envers M.Moine, fondement fortement contesté par l'agent sur plusieurs points.
[...] Néanmoins, cela a été rendu possible par un revirement de jurisprudence qui a eu lieu en 1951. Avant cette date, face à une faute personnelle d'un de ses agents, l'administration n'est pas dans une situation plus favorable qu'en cas d'une faute de service. En effet les fautes personnelles de ses agents n'engagent alors pas leur responsabilité à son égard. A ce moment, une personne publique se voit donc dans l'impossibilité de se faire rembourser des dommages et intérêts versés par elle à cause de la faute d'un de ses agents, sauf disposition législative exceptionnelle. [...]
[...] La règle de droit énonce en effet clairement que si le dommage a une faute personnelle pour cause exclusive, ce qui est le cas dans cet arrêt, la personne peut exercer une action récursoire pour le tout. Le juge se trouve ainsi dans son droit en refusant l'annulation du titre exécutoire au motif que M.Moine n'est pas solvable. Car ce dernier, devenu commerçant depuis sa mise aux arrêts, est en redressement judiciaire depuis un jugement du 19 mars 1997. Néanmoins, la loi du 25 janvier 1987, qui fait partie du Code du Commerce, indique que la situation personnelle d'un agent coupable de fautes personnelles ne saurait le fonder à demander l'annulation de sa dette envers l'Etat. [...]
[...] Il s'agit donc de voir en théorie les critères de distinction et d'analyser la décision rendue par le juge ici. On va donc voir que la faute a bien été commise dans l'exercice des fonctions du lieutenant Moine, mais que le juge identifie une faute détachable du service. Une faute commise par l'agent Moine dans l'exercice de ses fonctions Il ressort très nettement de l'arrêt Moine que le juge administratif s'est trouvé confronté à un cas où la frontière entre faute de service et faute personnelle est des plus floues. [...]
[...] En fait, le mécanisme subrogatoire ne fonctionnait pas, la victime n'ayant aucun intérêt à agir devant le juge judiciaire alors que l'administration est toujours solvable. Le fonctionnaire coupable bénéficiait donc de l'immunité de fait. C'est grâce à l'arrêt Laruelle que désormais une collectivité publique peut désormais engager la responsabilité pécuniaire des agents publics, à raison de leurs fautes personnelles. Ceci leur permet d'obtenir le remboursement des sommes versées à des tiers. Ainsi, comme toute la responsabilité repose effectivement sur les épaules du lieutenant Moine, l'Etat est fondé à demander le remboursement de la totalité des indemnités versées aux parents de la victime. [...]
[...] C'est dans ce sens que va donc le juge dans cet arrêt, en conformité avec la jurisprudence Laruelle. [...]
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