L'administration est dotée du privilège du préalable selon une expression de Maurice Hauriou, c'est-à-dire qu'elle peut prendre des actes administratifs unilatéraux sans avoir besoin du consentement des administrés mais aussi de l'autorisation du juge. Cette liberté est néanmoins contrebalancée par la possibilité qu'ont les administrés de contester la légalité de la décision administrative par le biais du recours pour excès de pouvoir (REP) tendant à son annulation. Néanmoins, une « zone de non-recours » est alimentée entre autres par les circulaires. Celles-ci prises par les ministres ou les chefs de service à l'égard de leurs subordonnés contiennent des indications quand à la manière d'interpréter ou d'appliquer un texte normatif. Ayant vocation pas la même à uniformiser l'interprétation et l'application des lois et règlements, elles apparaissent comme participant à la police interne de l'administration.
Échappant ainsi en principe à tout contrôle du juge, il n'en demeure pas moins que la jurisprudence, consciente du débordement par l'administration du champ d'utilisation originaire de la circulaire, a établi une distinction entre la circulaire purement interprétative non susceptible de faire l'objet d'un recours et la circulaire réglementaire quant à elle pouvant être attaquée pour excès de pouvoir. Néanmoins, cette jurisprudence ne semble pas effacer toutes les difficultés que peuvent poser les circulaires tout comme semble l'illustrer l'arrêt Lomé rendu par le Conseil d'Etat le 26 mars 1996.
Un particulier en l'occurrence, demande au tribunal des affaires de sécurité sociale le remboursement d'analyses biomédicales effectuées par le laboratoire Burckel et d'un auto-vaccin délivré par ce dernier. Cependant, confronté à la lettre du ministre des affaires sociales et à la circulaire du directeur de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, mettant fin à la prise en charge des méthodes diagnostiques et thérapeutiques préconisées par le centre européen d'informatique et d'automation, le juge sursoit à statuer sur les demandes du particulier jusqu'à ce que le juge administratif se prononce sur la légalité des actes litigieux.
Le tribunal administratif tout d'abord sollicité par le particulier, a transmis au CE cette demande en application du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Le demandeur à savoir le particulier invoque l'illégalité de la lettre et de la circulaire se fondant sur le code de la sécurité sociale. Quant au ministre, il invoque une fin de non-recevoir, se fondant sans doute sur les deux décisions antérieures rendues par le CE qualifiant les mêmes documents d'actes non décisoires, non susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
De ce fait, comment le juge peut-il examiner la légalité d'un acte dans le cadre de l'exception d'illégalité alors qu'il avait antérieurement qualifié ce même acte d'acte non décisoire dans le cadre d'un REP ? Quelles répercussions cette contradiction apparente engendre-t-elle sur le contrôle de l'administration ?
Le Conseil d'Etat rejette le moyen de non–recevoir invoquée par le ministre pour en effet apprécier la légalité des actes contestés.
Il semble ainsi que l'arrêt ne néglige pas le contrôle de l'administration. En effet, si à priori l'appréciation du juge apparaît incohérente en vertu de la jurisprudence traditionnelle (I), il n'en demeure pas moins que le contrôle de légalité est consacré par l'arrêt étudié (II).
[...] Cette voie de recours se distingue de la voie tendant à l'annulation d'un acte illégal. En effet, l'acte contesté s'il est déclaré illégal, reste néanmoins dans l'ordonnancement juridique. C'est pourquoi, dans cet arrêt la lettre ainsi que la circulaire antérieurement qualifiés d'actes non décisoires et donc non susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir sont pourtant déclarés illégaux par le juge. Le juge énonce ainsi que le CE est tenu de statuer sur demande du juge judicaire sur l'appréciation de la validité de la lettre et de la circulaire dont il s'agit, sans que la recevabilité d'une telle requête soit soumise aux conditions posées pour l'exercice de recours pour excès de pouvoir Cette solution apparemment choquante et incohérente s'explique par le fait que le recours en appréciation de la légalité est indifférent au caractère non décisoire d'un acte administratif. [...]
[...] Le juge administratif est amené à contrôler la légalité de la lettre et de la circulaire dans le cadre du RAL. Il en arrive à la conclusion que les actes sont entachés d'illégalité ce qui n'est pas sans alimenter une certaine incohérence au regard de la jurisprudence traditionnelle. Le caractère non décisoire d'un acte inconciliable avec une appréciation d'illégalité En vertu de la jurisprudence traditionnelle Par principe, les circulaires et les lettres émises par les ministres ou les chefs de service à destination de leurs subordonnées sont destinées à interpréter les actes réglementaires et les lois. [...]
[...] En conclusion, il semble que notre droit administratif alimenté par la jurisprudence offre à l'administré de nombreuses manières de contester une circulaire apparemment illégale. De ce fait le privilège du préalable dont jouit l'administration reste limité. [...]
[...] Sensible à ces différentes idées, le CE dans l'arrêt Mme Duvignières, rendu le 18 décembre 2002 énonce que les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ( ) doivent être regardées comme faisant grief Le critère réglementaire est ainsi écarté au profit du critère impératif de l'acte décisoire. Une distinction est établie entre les circulaires interprétatives impératives, et les circulaires interprétatives non impératives. Concernant les circulaires interprétatives impératives à priori elles imposent à leurs destinataires le respect de leurs dispositions. [...]
[...] Néanmoins, le respect de la légalité semble consacré par l'arrêt. II) Le respect de la légalité néanmoins consacré par l'arrêt Même si l'arrêt semble incohérent en vertu de la jurisprudence antérieure, il n'en demeure pas moins qu'en confortant la jurisprudence récente il apparaît davantage justifié De même l'arrêt souligne le fait que le RAL apparaît tel un moyen d'apprécier la légalité des actes en toutes circonstances Un arrêt qui conforte la jurisprudence récente L'état du droit n'était pas satisfaisant avec la jurisprudence de 1954. [...]
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