Conseil d'Etat, commentaire d'arrêt, 10 avril 1992, Epoux V, responsabilité administrative
La responsabilité administrative est en principe une responsabilité pour faute. La faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration est en général une faute simple, mais lorsque les activités en cause sont particulièrement délicates à exercer, une faute lourde peut être exigée, catégorie cependant qui s'amenuise actuellement et cet arrêt en est une bonne illustration.
Par un arrêt en date du 10 avril 1992, Époux V, le Conseil d'État réuni en Assemblée a eu l'occasion de se prononcer sur la responsabilité de l'administration dans le domaine des services médicaux et chirurgicaux.
[...] Ainsi, en matière de police administrative, le juge administratif distingue les opérations de terrain pour lesquelles une faute lourde est exigée, eu égard à la difficulté d'exercice, des activités de bureau pour lesquelles une simple faute est requise. C'est pourquoi certains arrêts énoncent qu'il n'y a eu ni faute dans la détermination des mesures prises pour le maintien de l'ordre public, ni faute lourde dans l'exécution de ces mesures (arrêt du 4 décembre 1995, Delavallade). Mais inversement, il peut arriver que des difficultés importantes se présentent lors de la prise de décisions relevant de l'activité juridique, le Conseil d'État exige alors la nécessité d'une faute lourde (arrêt du 20 décembre 1972, Ville de Paris Marabout). [...]
[...] Par son arrêt en date du 10 avril 1992, le Conseil d'État répond par la négative et conformément aux conclusions de son commissaire du gouvernement, M. Légal, décide que les erreurs imputables au service public hospitalier sont la cause de l'accident survenu à Mme V et qu'elles constituent une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'hôpital. Par cet arrêt, le Conseil d'État opère un revirement de jurisprudence. En effet jusqu'à cette date, celui-ci exigeait la production d'une faute lourde pour retenir la responsabilité médicale hospitalière permettant l'indemnisation des victimes. [...]
[...] A la suite de cet arrêt, la suffisance d'une faute simple a succédé à l'exigence d'une faute lourde. De la même façon, en matière de responsabilité fiscale, alors que le Conseil d'État exigeait une faute lourde (arrêt du 21 décembre 1962, Dame Husson- Chiffre), tel n'est plus le cas pour certaines opérations simples comme la saisie informatique de la déclaration du contribuable (arrêt du 27 juillet 1990, bourgeois) ou l'appréciation de sa situation lors de cette déclaration (arrêt du 29 décembre 1997, Commune d'Arcueil) lorsque que celle-ci ne présente pas de difficultés particulières. [...]
[...] Les époux ont été déboutés de leur demande en première instance par un arrêt du 4 avril 1986 du Tribunal administratif de Rouen. Celui-ci a en effet considéré qu'aucune faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'hôpital n'avait été commise. Les époux ont alors saisi en appel le Conseil d'État dans le but d'annuler le jugement du Tribunal administratif. La question à laquelle était confronté le Conseil d'État était ici de savoir si l'existence d'une faute lourde en ce qui concerne les actes médicaux et chirurgicaux est indispensable pour engager la responsabilité de l'hôpital ? [...]
[...] Il en est de même en ce qui concerne le service des Postes et Télécommunications, en vertu de la loi du 2 juillet 1990 pour les actions exercées avant l'entrée en vigueur de ladite loi. Au-delà de ces cas spécifiquement visés par le législateur, il est toujours possible pour le juge administratif d'exiger la faute lourde pour engager la responsabilité administrative, par une appréciation des conditions d'exercice de l'action administrative. Ainsi, si un recul de la faute lourde est à souligner, ce dernier est bien souvent partiel. [...]
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