C'est à travers sa décision en date du 9 novembre 2009, que la Cour d'appel administrative de Marseille déterminera que confier la charge d'une mission de télésurveillance à un prestataire privé ne revient pas obligatoirement à déléguer une mission de police administrative, dès lors que le prestataire n'assure que des missions de surveillance et de retransmission des informations, et ce, sans avoir procédé à la constatation ou à la répression des infractions. De surcroit, cette décision reconnait ainsi que les contrats permettant de confier la charge et non la délégation d'une mission de télésurveillance à un prestataire privé tel que précisé ci-dessus sont des conventions régulières. L'apport de cette décision jurisprudentielle est indéniable dès lors qu'elle nuance le principe d'interdiction faite à toute personne publique ayant un pouvoir de police de le déléguer à une personne de droit privé.
Dans les faits, la Société d'Economie Mixte de l'Aire de Fréjus (SEMAF), délégataire de la gestion et de l'exploitation de Port-Fréjus conclut un contrat avec la société Alarme et Protection le 10 novembre 1989. Ce contrat a une durée de quatorze ans, et confie à la société Alarme et Protection la télésurveillance de la zone de Port-Fréjus. La commune de Fréjus reprend les contrats de la SEMAF. La commune de Fréjus décide de résilier le contrat de télésurveillance avec la société Alarme et protection, et informe cette dernière par un courrier en date du 23 juin 1997. Ce courrier précise que le contrat prendra fin le 31 décembre 1997. La société Alarme et Protection ne cesse cependant son activité de télésurveillance dans la zone du Port de Fréjus. Souhaitant toujours résilier le contrat source du litige, la commune de Fréjus sollicite la nomination d'un expert afin de déterminer le montant des indemnités de résiliation qu'elle est tenue de verser en application de l'article 3 de la convention en cause. L'expert rend son rapport le 20 octobre 1999. La société VIGITEL vient aux droits de la société Alarme et Protection, qui n'a pas eu de réponse à sa demande d'indemnisation pour la résiliation du contrat, et ce, outre le paiement des prestations dues pour l'année 1998.
[...] Effectivement, tandis qu'en première instance, la demande la société VIGITEL est rejetée en raison d'une nullité de la convention incriminée, la juridiction de seconde instance permet quand à elle, une réponse favorable à la demanderesse, mais reconnait de surcroit non pas la nullité, mais la régularité de la convention incriminée C'est justement la question même de la légalité de l'acte qui permet à la société VIGITEL de légitimer sa demande d'indemnisation Le jugement d'appel précise en conséquence que la société VIGITEL est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a estimé que la convention confiait à la société Alarme et Protection une mission relevant de la compétence de police administrative du maire définie par les dispositions susvisées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et était par suite entachée de nullité ; qu'il en résulte que la société VIGITEL peut utilement fonder la demande indemnitaire sur les clauses de ce contrat Cette différence de position entre le tribunal administratif et la cour d'appel administrative se base quant à la différence d'interprétation de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. [...]
[...] En effet, le tribunal administratif de Nice a jugé que la demanderesse ne pouvait avoir d'indemnité quant à la résiliation du contrat, car ce dernier était nul. Les arguments du tribunal administratif de Nice sont principalement issus de son interprétation de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Effectivement, cet article dispose que La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publics [ ] Il précise d'ailleurs que cela comprend, entre autres, la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publics [ le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique [ le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes [ C'est ainsi que le tribunal administratif de Nice statut sur le fait que le contrat source du litige est nul, puisque cette convention aurait illégalement transféré des prérogatives de mission de police administrative normalement réservées au maire, à la société Alarme et Protection. [...]
[...] La société VIGITEL vient aux droits de la société Alarme et Protection, qui n'a pas eu de réponse à sa demande d'indemnisation pour la résiliation du contrat, et ce, outre le paiement des prestations dues pour l'année 1998. C'est pourquoi la société VIGITEL décide d'ester en justice. Elle saisit ainsi, le tribunal administratif de Nice. La société VIGITEL souhaite que la commune de Fréjus soit condamnée à lui verser cette somme, ainsi qu'une somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts à raison des agissements fautifs de la commune. [...]
[...] En effet, si dans cette affaire, la société Alarme et Protection avait eu en charge la protection effective des lieux et aurait procédé pas à la constatation et à la répression des infractions commises aux règlements de police, il n'aurait plus s'agit d'une participation, mais d'une délégation. Et dans cette hypothèse, le contrat aurait été illégal et donc nul d'effet. Cette hypothèse n'aurait pas permis à la demanderesse d'avoir un avis favorable à sa requête dès lors que la convention aurait été à l'encontre du principe du pouvoir régalien. La décision du 9 novembre 2009 permet certes de faire évoluer le droit des contrats administratifs, mais elle n'ouvre pas cette évolution juridique à des possibilités contraires aux principes fondamentaux du droit français. [...]
[...] II Une position jurisprudentielle à nuancer La position de la Cour d'appel administrative dans cette affaire est toutefois à nuance. Effectivement, la position jurisprudentielle dégagée par cet arrêt tend à être une décision novatrice incitant à une évolution du droit mais elle pose aussi des délimitations à la pratique de faire participer des prestataires privés à des missions de police administrative Une décision innovatrice pour l'évolution du droit administratif La décision de la Cour d'appel administrative incite véritablement à nuancer la position jurisprudentielle antérieure. [...]
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