Cet arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat traite des effets dans le temps de l'acte administratif unilatéral. Il casse la décision du Tribunal administratif de Paris et dénonce l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 4 septembre 1959 tant en ce qui concerne la sacristie que la chapelle.
Un arrêté du 22 novembre 1955, annexé d'un cahier des charges, approuve la création d'un groupe d'habitations sur le territoire de la commune de Bagneux et un arrêté du Préfet de la Seine en date du 4 septembre 1959 accorde à l'Association diocésaine de l'archevêché de Paris un permis de construire pour l'édification d'une chapelle, annexée d'une sacristie, sur un terrain situé dans le périmètre du groupe d'habitation construit dans cette ville.
Un jugement en date du 13 juin 1961 du Tribunal administratif de Paris rejette la demande en annulation, introduite par la ville de Bagneux, de l'arrêté préfectoral du 4 septembre 1959 sauf dans le permis de construire d'une sacristie annexée à la chapelle qui est annulé. La ville de Bagneux émet une requête près le Conseil d'Etat contre ce jugement et plus particulièrement son article 3 qui rejette l'annulation de l'arrêté préfectoral qui accorde un permis de construire pour l'édification de la chapelle.
L'association diocésaine de l'archevêché de Paris, dans ses conclusions, demande la réformation du jugement en ce qu'il a annulé le permis de construire une sacristie annexée à la chapelle et il est en est de même dans le recours incident formé par le Ministre de la Construction.
La ville de Bagneux, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, conteste le jugement du Tribunal administratif en ce qu'il n'a pas annulé le permis de construire de la chapelle. Pourtant, ce dernier est illégal puisqu'il n'est point indiqué dans le cahier des charges annexé à l'arrêté du 22 novembre 1955 ni dans aucun autre document antérieur à l'attribution de ce permis de construire qu'il fut prévu de construire une chapelle sur ce terrain. En effet, ce terrain fait partie des espaces libres à l'intérieur du groupe d'habitations qui étaient prévus pour y aménager un jardin d'agrément. Aucun acte avant ces permis de construire n'allait contre ce projet, et il n'était en aucun cas mentionné un projet de construction d'une chapelle adossée qui plus est d'une sacristie. Ces permis de construire ont donc été pris en violation du Code de l'urbanisme et de l'habitation en particulier son article 89.
Un acte administratif unilatéral, en dépit du fait qu'il soit illégal, doit-il rester valable en tout temps une fois notifié à l'intéressé ou bien est-il possible de le retirer afin de faire disparaître cette illégalité de l'ordre juridique ? Quel délai est applicable pour le retrait d'un acte illégal bien qu'il soit créateur de droit ?
Le Conseil d'Etat estime pour sa part qu'une décision administrative illégale, créatrice de droits, notifiée à l'intéressé mais non publiée aux tiers peut être rapportée d'office à tout moment par l'administration.
[...] Le retrait demeure cependant toujours possible quand il est demandé par un tiers. Vers la fin de l'insécurité juridique : l'arrêt Ternon du 26 octobre 2001 L'arrêt Ternon prolonge le mouvement amorcé en vue d'une plus grande sécurité juridique fût-ce au détriment du principe de légalité. Cet arrêt rompt avec la jurisprudence Dame Cachet en procédant au découplage du retrait et du recours : l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de décision Désormais le délai de retrait se différencie de celui de recours à la fois par sa durée (quatre mois et non deux) et son point de départ (la date d'adoption de la décision et non celle de la publicité dont celle-ci doit faire l'objet). [...]
[...] Cette solution donnée dans l'arrêt Dame Cachet était approuvée en tout point par Georges Vedel pour qui au nom de l'intérêt de la sécurité juridique l'administration doit pouvoir annuler ses décisions illégales mais on ne peut lui reconnaître un pouvoir plus étendu qu'aux juges spécialement chargé de veiller au respect de la légalité. Ainsi le retrait par l'administration et l'annulation par le juge étaient étroitement liés. Une fois le délai expiré, le retrait était interdit, même pour un acte illégal car il était devenu définitif. Entre principe de légalité et sécurité juridique, le choix est fait en faveur de ce dernier ; les droits acquis l'emportaient. [...]
[...] Du retrait de l'acte administratif unilatéral illégal en dépit des droits créés Un acte administratif non publié, en dépit du fait qu'il soit créateur de droits, doit être retiré afin de faire respecter la légalité même au détriment de la sécurité juridique mais ce retrait est soumis à un certain nombre de contraintes en raison de ses lourdes conséquences De la particularité des actes administratifs unilatéraux illégaux créateurs de droits Un acte administratif unilatéral, créateur de droits, illégal se doit d'être retiré. Ce retrait implique que l'acte sera considéré comme n'ayant jamais existé : la décision étant annulée l'acte disparaît rétroactivement ; c'est la raison pour laquelle s'il est créateur de droits, une solution doit être trouvée pour le passé au cours duquel ces droits ont pu être exercés par son bénéficiaire. Ainsi le retrait est à distinguer de l'abrogation qui ne vaut que pour l'avenir et dont l'application est donc beaucoup plus simple à mettre en œuvre. [...]
[...] Aucun acte avant ces permis de construire n'allait contre ce projet, et il n'était en aucun cas mentionné un projet de construction d'une chapelle adossée qui plus est d'une sacristie. Ces permis de construire ont donc été pris en violation du Code de l'urbanisme et de l'habitation en particulier son article 89. Un acte administratif unilatéral, en dépit du fait qu'il soit illégal, doit- il rester valable en tout temps une fois notifié à l'intéressé ou bien est- il possible de le retirer afin de faire disparaître cette illégalité de l'ordre juridique ? [...]
[...] C'est cette insécurité qui a motivé le Conseil d'Etat à faire évoluer sa jurisprudence en matière de retrait des actes administratifs unilatéraux, en particulier ceux créateurs de droits, illégaux. II) L'évolution de la pratique de ce retrait A la suite de l'arrêt Ville de Bagneux, le Conseil d'Etat ainsi que le pouvoir exécutif ont décidé de restaurer la sécurité et la stabilité juridique au sein des décisions administratives en particulier celles créatrices de droits. C'est ainsi que le retrait a d'abord été soumis à la notification préalable des délais de recours dans l'acte incriminé puis par l'encadrement très strict du délai de retrait découplé du délai de recours Un retrait subordonné à la notification des délais de recours dans l'acte Les textes et arrêts ont cherché à remédier à ces excès dans la possibilité de retrait des actes administratifs unilatéraux créateurs de droits. [...]
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