Commentaire d'arrêt, association, Conseil d'État, assemblée, 11 mai 2004, modulation dans le temps, effets de l'annulation d'un acte
L'arrêt « Association AC! et autres » rendu par le Conseil d'État, réuni en assemblée, le 11 mai 2004, a une portée majeure, puisqu'il pose le principe permettant au juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir de moduler les effets dans le temps de l'annulation de l'acte en question.
En l'espèce, par des arrêtés du 5 février 2003, le ministre du Travail agrée des accords se rapportant à la convention du 1er janvier 2001, relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage, ainsi que la convention du 1er janvier 2004 relative aux mêmes thèmes, son règlement annexé, les annexes relatives à ce règlement, et les accords d'application relatifs à cette convention.
Les requérants, et notamment parmi eux l'association « AC! », contestent la légalité de ces arrêtés auprès du Conseil d'État. En effet, les conventions en question prévoient notamment la création d'une commission paritaire nationale, ainsi que la permission donnée aux ASSEDIC de définir les priorités d'octroi de l'aide à la mobilité géographique. Un vice de procédure est également soulevé par les requérants : il s'agit d'un problème de composition de la commission permanente du comité supérieur de l'emploi, dont la consultation était exigée par la loi.
[...] En effet, si le juge du recours pour excès de pouvoir s'octroie de plus en plus de facultés, son office se rapproche sensiblement de celui du juge du plein contentieux. La possibilité de modulation dans le temps des effets d'une annulation n'est qu'un exemple parmi d'autres des nouvelles facultés acquises progressivement par le juge du recours pour excès de pouvoir, le rapprochant du juge du plein contentieux. La question de la pertinence du maintien de la distinction des contentieux est posée par ce rapprochement entre l'office du juge du recours pour excès de pouvoir et l'office du juge du plein contentieux. [...]
[...] En effet, au départ, le juge du recours pour excès de pouvoir ne peut qu'annuler les actes qui lui sont soumis, et ne dispose d'aucune autre faculté. Peu à peu, ses pouvoirs se sont élargis, et notamment avec la possibilité octroyée par l'arrêt association AC de moduler dans le temps les effets de l'annulation. Le considérant de principe concernant l'office du juge dans la décision association AC nous montre bien que la solution d'espèce avait vocation à s'appliquer dans la jurisprudence postérieure, élargissant l'office du juge du recours pour excès de pouvoir. [...]
[...] Beaucoup d'éléments doivent donc être examinés par le juge qui souhaite moduler dans le temps les effets de l'annulation d'un acte, et cette possibilité est donc fortement limitée et encadrée dans cette décision du Conseil d'État. Il semble en effet délicat de maintenir les effets passés d'un acte, notamment parce qu'ainsi le justiciable qui invoque l'illégalité ne pourra pas bénéficier complètement de l'annulation. Cette possibilité de dérogation demeure donc exceptionnelle. Le Conseil d'État permet donc dans cette solution novatrice au juge du recours pour excès de pouvoir de déroger au principe de rétroactivité de l'annulation d'un acte, de façon limitée. [...]
[...] Cela signifie que l'annulation d'un acte administratif est en principe rétroactive dans le cadre du recours pour excès de pouvoir : ses effets passés sont remis en question. Mais le Conseil d'État ne rappelle ce principe que pour y poser un tempérament, une exception, et c'est là la grande nouveauté introduite par cet arrêt. Le Conseil d'État octroie au juge du recours en excès de pouvoir la possibilité de moduler dans le temps les effets d'une annulation contentieuse, sous certaines conditions. [...]
[...] Le juge administratif a ainsi modulé dans le temps les effets de l'annulation d'actes réglementaires, mais aussi d'actes individuels. Ainsi, dans deux arrêts du 12 décembre 2007, l'arrêt Sire et l'arrêt Vignard, le Conseil d'État diffère les effets de l'annulation de la nomination de magistrats : une annulation à effet immédiat et rétroactif porterait atteinte au fonctionnement du service public de la justice. Or, l'application de l'exception de l'arrêt association AC ne semblait pas prévue pour des actes individuels, bien que l'arrêt ne l'écartait pas. [...]
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