La question qui se pose en l'espèce, est de savoir s'il existe un domaine public propre à Electricité de France ? Et quel est le statut juridique des biens de cette entreprise publique ? Les biens d'un établissement public industriel et commercial peuvent-ils appartenir au domaine public ?
La Haute juridiction dans sa décision du 23 octobre 1998, rappelle qu'en principe les biens appartenant à un établissement public, qu'il soit administratif ou industriel et commercial, font partie, lorsqu'ils sont affectés au service public dont cet établissement a la charge et sont spécialement aménagés à cet effet, de son domaine public, admet que des dispositions législatives (loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz) peuvent fixer des règles spécifiques. L'usine en question ne constituait pas une dépendance du domaine public à la date de la cession. C'est un élément de l'actif d' Electricité de France que le législateur de 1946 a entendu soustraire, à la différence du capital de l'entreprise, à la règle de l'inaliénabilité. Cette prise de position reste cependant réservée à l'espèce.
Cet arrêt du Conseil d'Etat du 23 octobre 1998, analyse les critères d'identification du domaine public, mais admet aussi que des dispositions spéciales législatives puissent fixer des règles spécifiques.
Afin de bien cerner le sujet et l'intérêt dégagé par cet arrêt, il serait judicieux d'analyser dans un premier temps les critères d'identification du domaine public et l'appartenance du domaine public par les établissements publics (I), pour dans un second temps s'attacher à l'application et à l'effet de dispositions spéciales législatives (II).
[...] Au contentieux, la Haute juridiction admet dans un premier temps que la domanialité publique peut s'appliquer aux biens des établissements publics territoriaux (Conseil d'Etat du 6 février 1981, Epp). Puis dans l'arrêt Mansuy (Conseil d'Etat du 21 mars 1984), le Conseil d'Etat décide que la Dalle de La Défense dont le propriétaire, fait partie du domaine public de cet établissement, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce dernier a la qualité d'un établissement public industriel et commercial. Parmi les exemples d'établissement public industriel et commercial possédant un domaine public, on citera La Poste (loi du 12 juillet 1990), et Réseau ferré de France (loi du 13 février 1997). [...]
[...] D'une part, le patrimoine des entreprises doit, dans l'intention du législateur, être regardé comme faisant partie du patrimoine privé de l'Etat mais il faut distinguer entre l'actif social, autrement dit l'ensemble des biens et valeurs qui forment le patrimoine de l'entreprise publique, et le capital social constitué par les apports en espèce ou en nature En l'espèce, pour Electricité de France ce capital a été augmenté par l'article 4 de la loi du 10 novembre 1997 qui fait des ouvrages de réseau d'alimentation générale en énergie électrique la propriété d' Electricité de France depuis que la concession de ce réseau a été accordée. D'autre part, l'interdiction d'aliéner ne concerne que le capital et n'implique pas l'interdiction d'aliéner des éléments de l'actif. Par la suite, le Conseil d'Etat n'empêchait nullement que l'établissement public Electricité de France soit propriétaire des biens transférés (Conseil d'Etat Assemblée, 1er décembre 1950, Electricité de France). Repris ensuite par la Cour de cassation sur la question du statut des biens d' Electricité de France le 3 mai 1988. B. [...]
[...] Cette dérogation à la règle domaniale de base, l'inaliénabilité, interdit de l'inclure dans le domaine public alors même qu'il présente tous les caractères retenus jusqu'alors pour identifier le domaine public. Le régime des biens d' Electricité de France résulte donc de l'article 16 de la loi du 8 avril 1946 qui dispose : solde net des biens, droits et obligations transférés aux établissements publics prévus par la présente loi constitue le capital de l'établissement. Ce capital appartient à la Nation. [...]
[...] Le critère de l'usage du public est donc chronologiquement le premier retenu pour reconnaître la domanialité publique. Actuellement, lorsqu'une référence peut être faite à l'une ou l'autre de ces affectations, la préférence de la jurisprudence va plutôt vers le critère d'affectation au service public : il en est ainsi en ce qui concerne les halles de marchés dont la domanialité publique relevait à l'origine de l'usage du public (Conseil d'Etat avril1977, Michaud). De même celle des œuvres d'art des collections publiques, présentées dans les musées, repose-t-elle sur le fait que leur conservation et leur présentation au public sont l'objet même du service public et non sur l'usage collectif des musées par les visiteurs (Cour de cassation avril 1963, Montagne, à propos d'un tableau du musée du Louvre). [...]
[...] L'usine de l'Osmonerie ne fait donc pas partie du domaine public, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif. Ainsi, le basculement dans le domaine privé des biens d' Electricité de France, et au-delà des autres établissements publics industriels et commerciaux, devrait signifier en contrepartie un coup d'arrêt dans l'évolution du régime applicable aux biens restant dans le domaine public et donc un creusement de l'écart entre les deux régimes domaniaux. Au moment où certains critiquent la distinction des deux domaines, la décision Electricité de France la conforte, accroissant aussi le poids du domaine privé. [...]
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