Depuis une quarantaine d'années, le paysage juridique français subit une certaine diarrhée législative. Toutefois, les principes généraux du droit (PGD) ont survécu à ce phénomène grâce au juge administratif. En effet, lorsque le Conseil d'État est confronté à une loi qui le gêne, il se replie sur un PGD. L'affaire mettant en cause le professeur Milhaud fut l'occasion pour le Conseil d'État de consacrer un tel principe une nouvelle fois.
En l'espèce, le professeur avait procédé à des expérimentations sur un sujet en état de mort cérébrale afin d'apporter de nouveaux éléments scientifiques dans un procès. Ces expérimentations ayant été effectuées sans que l'intéressé n'ait donné son consentement de son vivant ou que l'accord de ses proches n'ait été obtenu, le Conseil régional de l'ordre des médecins de Picardie décide de lui infliger un blâme suite à la révélation de ces expérimentations. Ce Conseil est une juridiction administrative spécialisée de première instance, jugeant en chambre disciplinaire, et chargée de statuer sur les plaintes dirigées contre les médecins pour des manquements à leurs obligations déontologiques. Le professeur Milhaud fait alors appel de cette décision devant la section disciplinaire du Conseil national des médecins ; qui est la juridiction de second degré, permettant de faire appel des décisions du Conseil régional de l'ordre des médecins ; et qui confirma, le 23 janvier 1991 la décision du premier Conseil. Force est de constater que c'est cette même décision qui est attaquée devant le Conseil d'État, dans son rôle de cassation alors matériellement compétent pour en juger.
[...] C'est pourquoi le juge administratif pour protéger les administrés décide de soulever ce PGD garantissant le respect de la personne humaine après sa mort. En effet, nous sommes dans une société qui reconnaît un respect dû aux morts, et qui désire qu'une protection leur soit faîte. Le juge administratif devait en outre concilier deux intérêts généraux : celui de la recherche scientifique, et celui des droits de la personne défunte. Tout d'abord, celui-ci a fait primer les droits de la personne défunte, pensant que le respect dû aux morts était plus important que des recherches sur leurs corps, si ceux-ci étaient non consentants de leur vivant. [...]
[...] C'est pourquoi, aujourd'hui, ces principes sont plus précis, ils viennent combler des petites lacunes et non des vastes champs. Le problème était qu'en l'espèce il n'existait aucun texte régissant le respect du corps humain après la mort. Outre le Code de déontologie médical qui, comme vu précédemment, ne s'appliquait qu'aux personnes vivantes, il existait cependant un autre texte que le Conseil d'Etat a soulevé. Il s'agissait en effet de la loi du 22 décembre 1976 qui encadrait les prélèvements d'organes pour des recherches médicales, mais elle ne s'appliquait également qu'aux personnes vivantes. [...]
[...] C'est dans cet arrêt du 2 juillet 1993 que le juge administratif va tenter de pallier à la carence législative que subit le respect de l'intégrité du corps humain après la mort. En effet, c'est en soulevant le PGD garantissant le respect de la personne humaine après sa mort qui préexistait dans la morale que le Conseil d'Etat va répondre à cette absence de textes de loi en vertu de ce principe fondamental. Dès lors, le juge de cassation a répondu à la question : les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine qui s'imposent au médecin dans ses rapports avec son patient cessent-ils de s'appliquer avec la mort de celui-ci ? [...]
[...] Cependant, le Conseil d'Etat ne va pas s'arrêter strictement à son principe. En effet, il va encadrer celui-ci, en posant certaines conditions permettant les expérimentations sur les patients décédés, conciliant ainsi les deux intérêts généraux susmentionnés. Ainsi donc, si selon la procédure énoncée par le décret du 31 mars 1978 est respectée et que l'on aura constaté la mort du patient selon cette même procédure, que les expérimentations sont d'une nécessité scientifique certaine, et que le médecin a obtenu l'accord du défunt au cours de son vivant, ou de sa famille, les expérimentations scientifiques pourront avoir lieu légalement. [...]
[...] Et c'est pour solidifier sa décision que le juge administratif se base sur les examens pratiqués par d'autres médecins : deux artériographies les 1er et 2 février 1988, et deux électroencéphalogrammes les 31 janvier et 4 février 1988. C'est de ce fait que le Conseil d'Etat justifiera que la victime de ces expérimentations était d'ores et déjà morte, et que les articles et 19 du code de déontologie ne pouvant s'appliquer qu'aux personnes vivantes, on ne peut se baser sur ces textes. [...]
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